John Carter
|d’Andrew Stanton, 2012, **
Avant de travailler aux Urgences, John Carter était un des premiers personnages de ce qu’on n’appelait pas encore space opera. Ce « cycle de Mars » de Burroughs a été repris à toutes les sauces, inspirant plus ou moins profondément la moitié des œuvres de SF (au premier rang desquelles La guerre des étoiles).
Du coup, l’adapter enfin au ciné, plusieurs décennies après des films ayant repris certains éléments, mais y ayant rajouté une sauce supplémentaire, paraît casse-gueule : comment ne pas avoir l’air de copier les copieurs, comment redonner un souffle épique à une intrigue non seulement connue, mais qui fut la pierre sur laquelle les autres ont bâti des cathédrales ?
Du coup, j’ai beaucoup de respect pour la démarche de Stanton : fallait du cran pour oser s’y frotter.
Cette introduction un peu longue, juste pour dire qu’il n’y a rigoureusement rien, dans la critique qui va suivre, de méchant ou de volontairement blessant. Parce que, disons-le tout de suite, je n’ai pas vraiment aimé John Carter, et ça m’attriste un peu quand je vois le talent et l’énergie qui ont été mis là-dedans.
Techniquement, il n’y a pas grand-chose à redire : l’univers est soigné, cohérent, la conversion stéréoscopique réussie (oui, je viens de dire qu’une conversion était réussie, et vous savez quoi ? Je l’ai même écrit et détaillé), la photo claire ou sombre mais adaptée aux ambiances choisies, les effets spéciaux sympa quoique quelques incrustations ne « collent » pas parfaitement sur le plan lumineux, et même les acteurs ne sont pas vraiment mauvais (le seul problème, c’est que les « héros » ont moins de charisme à eux tous que Woola, sorte de clébard décapode en images de synthèse, à lui tout seul). On arrive même à oublier que le liquide bleu qui sort des blessures des Martiens a exactement la couleur et la texture de celui utilisé dans les pubs pour les serviettes hygiéniques et que, la première fois où on le voit, ça fait un peu mourir de rire.
Mais le scénario… Bon Dieu, le scénario…
Passons sur les absurdités du roman initial (alors voilà, une gravité divisée par trois, ça te fait sauter vingt fois plus loin ; okay, quand t’apprends une langue complète, les grades et les noms des planètes font pas partie du dico ; d’accord, les êtres qui vivent sous une gravité réduite ont le même volume de muscle que les Terriens…). C’est ce qui reste qui fait peur. En résumant : ça a vieilli, salement.
Y’a plein de gens qui ont développé des mondes complexes, de La guerre des étoiles au Seigneur des anneaux en passant par Star trek. On sait faire. On sait, par exemple, qu’il ne faut pas tout introduire d’un coup, au risque d’une part de perdre le spectateur, d’autre part de s’emmêler dans des intrigues multiples et de ne plus avoir le temps de se concentrer sur ses personnages. Ici, en trente minutes, on se mange un reste de guerre de Sécession, un être mystérieux doté de technologies inconnues, une nouvelle planète, une nouvelle espèce intelligente avec son système de hiérarchie tribale, des nefs volantes, une nouvelle espère humanoïde, deux cités qui se foutent sur la gueule, des armes inconnues, une grotte mystérieuse au fond du désert, un destin de planète, des intrigues gouvernementales géopolitiques, un complot, un méchant, un autre être mystérieux qui dirige le complot dans l’ombre…
C’est trop. C’est le bazar, et pendant ce temps le héros ne s’approfondit pas, ce qui fait que d’une part on n’a rien à faire de lui, d’autre part on ne comprend pas pourquoi il passe brusquement de John Carter, terrien obsédé par sa mine d’or et souhaitant juste retourner au plus vite sur sa planète, à John Carter, héros acceptant son destin martien. Le pire, c’est que malgré cette complexité descriptive qui nuit au rythme, la trame globale reste cousue de fil blanc : le héros n’a rien à fiche de personne et veut juste revoir sa Normandie, il suit la princesse qui est sa seule porte de sortie, puis il s’attache et va accomplir son destin héroïque, à savoir mettre fin à la guerre qui ravage le pays.
Bon, faut pas dramatiser non plus : John Carter se regarde sans déplaisir, c’est distrayant, y’a plein de choses qui peuvent amuser les minots. Mais ça n’apporte finalement pas grand-chose, et il manque clairement le petit souffle épique que l’on trouve dans plein d’autres épopées spatio-fantastiques.