The end of the f***ing world
|de Jonathan Entwistle, 2017, ****
Imaginez que, au lieu d’être élevé par Harry, Dexter ait été le fils d’un Anglais moyen, veuf, bedonnant et un peu blasé. Qu’aurait-il fait à l’adolescence, une fois las des animaux, au lieu d’aller chasser des tueurs en série ? Grâce à The end of the f***ing world, on le sait désormais : il aurait fait semblant de s’intéresser à la fille suffisamment anti-conventionnelle pour s’intéresser à lui.
Imaginez que, au lieu de rencontrer Frank, Roxy soit sempiternellement entourée des mêmes gamins superficiels de son lycée. Qu’aurait-elle fait pour échapper aux discussions sur la dernière starlette ou la prochaine mode ? Grâce à The end of the f***ing world, on le sait désormais : elle aurait cherché à se rapprocher du seul mec suffisamment solitaire et insensible pour n’avoir rien à faire de ces conneries et lui offrir une conversation différente.
Voici donc une petite série noire britannique — ou est-ce un long film découpé en chapitres ? — que l’on peinera à classer, entre thriller psychologique lorsque le narrateur explique pourquoi il se considère comme un psychopathe, bluette cynique lorsque la narratrice explique pourquoi elle le considère comme le seul truc vaguement intéressant du lycée, road-movie effréné, polar, comédie de mœurs, portrait social…
Gai et triste, enlevé et poétique, tragique et comique, The end of the f***ing world ne se contente pas d’être inclassable : il détourne soigneusement les codes de chaque genre auquel il s’attaque, garantissant des rebondissements efficaces malgré une trame générale déjà vue çà et là — chez Thelma et Louise, Bonnie and Clyde, enfin, vous voyez l’idée.
Rien de prétentieux dans cette affaire, mais un ensemble bien construit, équilibré, inclassable, bien porté par des dialogues soignés et un agréable duo d’acteurs, qui tape en passant sur deux-trois trucs de notre société sans jamais s’ériger en donneur de leçons. Bref, c’est frais, léger, touchant quand c’est censé l’être, souvent drôle mais plutôt grinçant ; c’est une petite gourmandise dont il serait dommage de se priver.