Sur la route
|de Walter Salles, 2012, ***
Raconter Sur la route, c’est pas simple. En fait, on peut dire que même Kerouac n’avait pas tout à fait réussi — le roman est une réussite littéraire indéniable, une ambiance unique, mais aussi un bordel imbitable qui ne raconte finalement pas grand-chose.
Le grand succès de Salles, c’est d’avoir très fidèlement retranscrit qualités et défauts du roman. Bordélique, sans véritable fil conducteur, son film allie une certaine virtuosité formelle à une photo et une direction d’acteurs réussies pour dessiner une ambiance à la fois enjouée et désespérée, hystérique et insouciante, puérile et pesante.
Sal, aspirant écrivain maudit. Dean, éternel gamin allergique à toute responsabilité. Et les femmes qui ont l’honneur douteux de les rencontrer — Camille, qui grosso modo fout sa vie en l’air pour ce hâbleur insouciant de Dean, Terry, qui partage un temps la vie de Sal et le fait plus grandir que tous les autres personnages réunis, et bien sûr Marylou, centre de gravité autour duquel l’univers entier tourne. Et les amis. Et le jazz, bien sûr. Tout se cherche, se mélange, se perd, se trouve, se poursuit, se fuit, se retrouve… et finalement, de ville en ville, de cuite en cuite, de lit en lit, rien n’avance vraiment.
Sur la route, le film, m’a en tout cas fait exactement la même impression que le bouquin : les routards (et Dean en particulier) sont des enfants refusant de grandir qui sèment joie et désespoir sur leur chemin, et la route est une tueuse qui casse peu à peu les gens qui ne savent pas la quitter au bon moment. Au passage, c’est une morale fréquente dans les œuvres sur le sujet — du « we blew it » de Easy rider au « tu partiras encore plus lourd » de On the road again.
Au final, c’est un peu désespérant (surtout quand, comme moi, on a eu l’occasion de voir une Camille s’attacher à un Dean pendant un an), fort sympathique par moments, hilarant parfois, mais le sentiment qui domine est plutôt une sorte de désillusion assez amère. Et c’est peut-être ce qui signe la réussite du film.