Refugiados
|de Ramón Campos, Gema Neira, Cristóbal Garrido et Adolfo Valor, 2015, ****
La grande catastrophe arrive. Pour les milliards d’humains encore vivants, une seule échappatoire : retourner vers le passé. Pour ce gigantesque exode, on fixe sur chacun un mouchard, pour s’assurer qu’il ne racontera pas leur avenir aux habitants, et c’est parti — trois milliards de personnes qui apparaissent d’un coup, au début du 21è siècle, dans les villes, dans les bois, sur l’ensemble de la planète. Trois milliards, plus un passager clandestin, envoyé en douce sans mouchard dans un village au milieu des forêts espagnoles, avec une mission bien précise.
L’idée de base, en gros, c’est la rencontre de Terminator et de l’actualité au Liban (dont un quart de la population actuelle est réfugiée de Syrie au cours des cinq dernières années). Là-dessus, les auteurs greffent un drame intimiste / polar en se plaçant dans une famille au passé compliqué, dont l’équilibre est mis à mal par l’arrivée d’un réfugié.
Une touche de science-fiction, une touche d’enquête, une touche de western (les paletos espagnols valent les rednecks américains), une touche de thriller, une touche de saga familiale, Refugiados touche un peu à tout, généralement avec succès. Le suspense bien géré, le propos politique et religieux glissé plutôt qu’imposé, les personnages étudiés bien servis par des acteurs en forme, le scénario parfois évident mais globalement assez complexe pour tenir en haleine, c’est franchement bon.
Tout n’est pas parfait : outre une réalisation et une photo finalement plutôt convenues, le personnage du père rebondit un peu trop pour être tout à fait crédible — et ça nuit un peu aux épisodes de la seconde moitié. En revanche, le finale éblouissant ose aller impitoyablement au bout de sa logique et laisse un peu sur le cul : un énorme bon point, tant il aurait été facile et confortable de boucler sur une fin plus classique.
Forte, prenante malgré une poignée de faiblesses, plutôt intelligente, Refugiados ne surprend pas seulement par son casting anglais (original pour une série espagnole¹), mais aussi par sa variété thématique et sa fin éblouissante.
¹ Coproduite par la BBC, la série est également connue sous son titre anglais The refugees, mais elle est écrite et réalisée par des Espagnols et son histoire est très clairement située en Espagne. Je suppose que le casting a privilégié les Anglais pour faciliter l’exportation.