Mud

de Jeff Nichols, 2012, ****

Dans un affluent du Mississipi, quelques mai­sons flot­tantes éparses. Des gens qui vivent d’ex­pé­dients — récu­pé­ra­tion de déchets, pêche… Deux gamins qui ont trou­vé une éton­nante cabane, un bateau accro­ché dans un arbre par une crue pré­cé­dente. Une espèce de rou­tard qui y squatte en atten­dant l’a­mour — ou en fuyant des chas­seurs ? Un retrai­té des Marines mal embou­ché, parce que « cer­tains viennent ici pour être oubliés ».

Mud n’est pas exempt d’hu­mour, mais il faut être hon­nête : ça n’est pas une comé­die. C’est pesant, dur, sou­vent triste, cen­tré sur les espoirs déçus et les illu­sions per­dues. Et sur le chan­tage affec­tif, aus­si, qu’il s’a­gisse de la fille qui revient tou­jours vers le type qui la pro­tège quand son amant du moment se révèle un gros connard, du mari qui sou­ligne le déra­ci­ne­ment de leur fils pour gar­der sa femme, du cou­reur qui parle d’a­mour à deux gosses pour les convaincre de voler pour lui… Ça parle aus­si de ven­geance, sans for­cé­ment choi­sir clai­re­ment entre l’a­po­lo­gie de la jus­tice par soi-même façon Deuxième amen­de­ment et la néces­si­té de par­don­ner et pas­ser à autre chose. Ça n’est pas vrai­ment un polar, pas non plus un por­trait, et c’est plus qu’une simple chro­nique de quartier.

C’est bien ser­vi par des acteurs très au point, des dia­logues par­fois rêches et par­fois tou­chants, des para­doxes appa­rents où les péque­nots de l’Arkansas, avec leur accent mol­las­son, leur arti­cu­la­tion aléa­toire et leur hori­zon limi­té, peuvent jouer sur les mots et faire preuve d’une cer­taine culture — « You can call me a hobo, because a hobo will work for his living. You can call me a home­less because… Well, that’s true for now. But you call me a bum again, I’m goin” to teach you some­thing about res­pect your dad­dy never did. »

La pho­to est plus ordi­naire, ce qui est un peu dom­mage étant don­né le poten­tiel esthé­tique de la région, et on pour­ra sur­tout regret­ter une scène finale inutile — qui, en plus, casse ce qui aurait pu être un mes­sage cyni­co-biblique : thou art mud and mud thou shalt return.

Mais hor­mis ce petit faux-pas, Mud est une belle réus­site, un film contem­pla­tif mais dur et par­fois émou­vant, qui mérite ample­ment le déplacement.

NB : film dis­tri­bué sous le titre Mud — Sur les rives du Mississipi en France. Le sous-titre n’ap­por­tant rien, le Comité anti-tra­duc­tions foi­reuses a déci­dé de conser­ver le titre original.