The night agent

de Shawn Ryan, depuis 2023, **/*

Des assas­sins entrent dans la mai­son d’un couple de quin­qua­gé­naires. Avant de se faire abattre, l’un d’eux refile à sa nièce, Rose, un numé­ro de télé­phone et quatre mots à dire dans l’ordre. Elle tombe ain­si sur Peter, répon­deur du pro­gramme « Night Agent » : des espions pla­cés direc­te­ment sous les ordres de la cheffe de cabi­net de la pré­si­dente des États-Unis. Il envoie les flics sau­ver Rose et la fait mettre sous pro­tec­tion rap­pro­chée, mais voi­là : le déta­che­ment de gardes du corps est rap­pe­lé. Il y a donc un traître quelque part, dans les très hautes sphères du cabi­net de la pré­si­dence ou du Secret service…

Les deux héros de The night agent
— Tiens, tu veux voir le pro­chain rebon­dis­se­ment ?
— Non mais c’est bon, j’ai pas besoin de jumelles…
- pho­to Dan Power pour Netflix

La bonne nou­velle, c’est qu’on ne s’en­nuie pas. The night agent tourne comme un cou­cou suisse, avec son rythme hale­tant, sa ten­sion per­ma­nente, ses retour­ne­ments de veste annon­cés ou pas, et il faut bien le dire ses rebon­dis­se­ments programmés.

Car c’est la mau­vaise nou­velle : on sent venir la plu­part des coups bien avant les per­son­nages. Il est rare d’être sur­pris, sauf par­fois par le couple d’as­sas­sins qui forme le prin­ci­pal anta­go­niste de la pre­mière saison.

La série est éga­le­ment conçue pour être ras­sem­bleuse et évi­ter soi­gneu­se­ment les sujets cli­vants : elle ne s’in­ter­roge jamais sur l’exis­tence d’un pro­gramme secret géré par la pré­si­dence, celui-ci ne sert jamais à exé­cu­ter des basses œuvres quel­conques (on se demande donc bien à quoi il sert au départ), les traîtres sont des traîtres et ça suf­fit à ne pas remettre en ques­tion la struc­ture qui les a ame­nés là… Même quand, dans la seconde sai­son, Rose trans­forme un logi­ciel de ciblage publi­ci­taire en outil de sur­veillance de masse, c’est à peine si on lui fait remar­quer que c’est un peu flip­pant, et lorsque son boss réa­lise ce qu’il peut en tirer en le ven­dant au dic­ta­teur le plus offrant, la ques­tion est éva­cuée sans plus d’interrogations !

Rose traquant tout le monde depuis son ordinateur portable
Je trans­forme un logi­ciel de ciblage publi­ci­taire en outil de sur­veillance mas­sif devant une Iranienne. Tout va bien. — pho­to Siviroon Srisuwan pour Netflix

Et puis, les rela­tions entre les per­son­nages sont… Okay, on com­prend pour­quoi et com­ment Rose et Peter se retrouvent à fuir ensemble dans la sai­son 1, dont le dérou­le­ment est à peu près logique à défaut d’être cré­dible. Mais le début de la sai­son 2 res­semble fou­tre­ment au résul­tat d’un brains­tor­ming des scé­na­ristes un soir de cuite. « Alors logi­que­ment vu que Rose a un bou­lot et que Peter devient agent actif, ils sont plus ensemble. Mais on doit réunir les têtes d’af­fiche, com­ment on fait ? Jean-Pierre, une idée ? On n’a qu’à dire que le méchant appelle Rose pour lui dire que Peter a des ennuis ? Parfait, ça roule. Garçon, encore une tour­née ! Et pour la suite de la sai­son on fait quoi ? Jean-Philippe, une idée ? » Du coup, comme per­sonne n’est en état de faire un vrai thril­ler  qui conver­ge­rait vers un finale sai­sis­sant, on mul­ti­plie les flashes-back et Rose et Peter n’ar­rêtent pas de se tra­hir, de se soup­çon­ner, de se réunir, délayant la sauce pour faire dix épisodes.

Dans l’en­semble, ça nous donne donc une sai­son 1 cohé­rente (mal­gré quelques pré­misses absurdes) et entraî­nante quoique pré­vi­sible. La sai­son 2 manque de cohé­rence et en fait trop pour évi­ter de par­ler poli­tique alors qu’elle se déroule en par­tie dans l’am­bas­sade ira­nienne. C’est tou­jours entraî­nant mais répé­ti­tif et dif­fi­cile à suivre. Bref, une série tout juste moyenne, qui ne mérite cer­tai­ne­ment pas d’être deve­nue la série numé­ro 1 de Netflix sur son pre­mier trimestre.