Avengers : Infinity war
|de Joe et Anthony Russo, 2018, ***
Les planètes ont un problème : la surpopulation. Partout, à un moment ou à un autre, une espèce fait une révolution technologique, réduit drastiquement son taux de mortalité et voit sa démographie exploser, jusqu’à pomper les ressources de sa planète et la mettre en danger. La solution ? Simple : buter la moitié des gens.
Tel est en tout cas le raisonnement de Thanos, qui n’est pas très doué en maths. Oui, parce que bon, sur Terre, par exemple, la population de l’espèce technologiquement avancée a doublé en quarante ans. Buter une personne sur deux, à moins que ça ne soit que la première étape d’une extinction massive, ça ne fait donc même pas gagner deux générations, un clignement d’œil à l’échelle d’une planète. Et ça, sans compter le fait que l’empreinte écologique de chaque individu tend à augmenter : le taux d’agression de la planète sera donc restauré plus vite que la population.
Bref. Thanos est un peu con-con, mais c’est pas grave : c’est peut-être le premier personnage d’un blockbuster américain qui reconnaît la surpopulation comme un problème majeur.
Évidemment, les Avengers, eux, ils trouvent que c’est mal de tuer des gens, même pour éviter l’extinction totale de toutes les espèces intelligentes. Donc, ils combattent Thanos, en essayant de piquer avant lui les cailloux qui lui permettraient d’éliminer 50 % des êtres vivants de l’univers. Premier en ligne : Thor, suivi du Dr Strange, Iron Man, Captain America, Spider-Man, Vision, la Panthère noire, les Gardiens de la galaxie, et la liste intégrale de leurs side-kicks, adversaires et potes de bistrot, assemblant ainsi la plus ahurissante série de name-dropping de l’histoire des films Marvel.
Vous sentez le problème ? Oui, malgré ses 2h 30, le film est haché comme un saumon laissé à un cuistot de teppanyaki sous amphétamines. Il y a tant de personnages à caser, parfois juste pour les caser d’ailleurs, qu’on rebondit d’un bout à l’autre de l’univers, sans transition, sans lien, sans cohérence. On s’y retrouverait plus facilement à l’Assemblée le soir de l’examen individuel des 1236 amendements de la loi d’orientation budgétaire.
Ceci étant, ce bordel imbitable est plutôt bien mené. Oh, bien sûr, il y a quelques scènes vachement émouvantes, pardon, je voulais dire ridiculement pathétiques (Gamora et papounet, je pense à vous, mais Vision et Wanda sont pas mal non plus et les deux frangins d’Asgard les marquent à la culotte), mais dans l’ensemble on ne s’ennuie pas. Les scènes d’action sont rythmées, les vannes s’enchaînent bien, la réalisation est léchée comme les Russo savent le faire.
Et puis, il y a cette fin, qui amène enfin un sujet au bout de sa logique. Avengers : Infinity war est peut-être le premier Marvel récent à avoir une vraie fin, et ça fait du bien. Évidemment, on sait bien que le prochain est déjà programmé (sortie dans un an), mais on se surprend à espérer qu’il utilise intelligemment la conclusion de celui-ci pour épurer un peu une liste de personnage qui, honnêtement, déborde depuis déjà un moment les limites du tolérable.
Bon spectacle mal construit, ce troisième Avengers profite donc de deux dernières minutes totalement satisfaisantes pour compenser deux heures vingt-cinq fort distrayantes, mais franchement bordéliques.