Le cas Richard Jewell
|de Clint Eastwood, 2020, ***
Richard Jewell n’a rien d’un bijou1. Gras, mou, bas du bulbe, il se rêve en héros et, à 33 ans, en est toujours à « quand je serai grand, je serai policier ». Il a pourtant déjà essayé : gardien de prison, shérif adjoint, agent de sécurité… Il s’est à chaque fois fait bouler pour avoir joué au cow-boy.
Pour les Jeux olympiques d’Atlanta, le besoin massif de surveillants lui permet de redevenir agent de sécurité. Il repère un sac suspect, fait évacuer le public, et… le sac explose. Deux morts, une centaine de blessés — qui auraient pu être des dizaines et des centaines si la paranoïa et le complexe du héros de Jewell ne lui avaient fait signaler ce banal sac de sport. Le voilà donc propulsé au statut de héros, précisément celui derrière lequel il courait depuis tout petit. « Comme par hasard », se dit le FBI, qui se demande comment un vigile débile et incompétent a eu le nez de reconnaître ce colis suspect, et qui repense aux précédents « wanna be » qui ont posé des bombes pour avoir le beau rôle en les désamorçant…
Bon, faisons bref. C’est du Eastwood, donc : réalisation sobre et efficace, photo propre (pour la deuxième collaboration de Bélanger avec Eastwood après La Mule), montage un poil lent par moments mais parfaitement maîtrisé (Joel Cox encore et toujours), interprétation irréprochable de l’ensemble du casting. L’ambiance est bien gérée, avec ce qu’il faut de comique pour laisser parfois respirer le spectateur, dans une atmosphère tragique et tendue comme le slip de Stan Laurel si Richard Jewell essayait de le mettre.
Le scénario joue avec la perception du public, Jewell étant tour à tour le nullard, le héros, le vilain, la victime naïve ou le type qui s’éveille enfin à la question importante : est-ce que le FBI a quelque chose de solide pour l’accuser ? Le scénariste, Billy Ray, n’a pas toujours fait dans la subtilité, mais ici il s’est appliqué à entraîner le spectateur d’un doute à l’autre avec efficacité. Il n’a en revanche pas évité certaines facilités… et, surtout, son script est souvent très moralisateur, style « roh là là les flics ils préfèrent charger un honnête travailleur plutôt que chercher le vrai coupable » ou « ah les médias c’est vraiment des crevures la vérité ils s’en foutent ils cherchent juste l’audience ».
Du coup, le film n’est pas du tout mauvais, certains passages sont même très bons, mais outre qu’on a un peu de mal à soutenir le personnage principal, le message global ne s’élève finalement guère au-dessus du niveau de perception de son « héros ».