Akira
|de Katsuhiro Ōtomo, 1988, **
Kaori n’a pas de bol.
Bon, bien sûr, comme toutes les lycéennes, on pourra dire qu’elle aurait dû se méfier des bōsōzokus eu lieu de traîner avec. Mais tout de même. D’abord, elle sort avec Tetsuo, un second couteau du clan, ni aussi beau, ni aussi assuré que le charismatique Shōtarō Kaneda. Ensuite, c’est elle qui se fait agresser par la bande rivale des Clowns. Enfin, c’est son Tetsuo qui s’éparpille sur la chaussée pendant une course-poursuite et se fait mystérieusement embarquer par l’armée.
Et encore, c’est que le début des malheurs de Kaori.
Bon, le film n’insiste pas trop dessus. Comme disait Manolo, tout le monde s’en fout, des personnages secondaires. Katsuhiro, lui, ce qui l’intéresse, c’est avant tout les destins de Tetsuo, le suiveur jaloux qui va se découvrir un pouvoir fantastique et glisser de la violence ordinaire à la folie furieuse, et de Kaneda, le meneur naturel qui devra tenter de sauver tout le monde (sauf les gangs adverses bien sûr).
La première partie est splendide à tous les points de vue. Les personnages, bien que nombreux, sont présentés naturellement et soigneusement, ainsi que l’univers dans lequel ils évoluent — un cyberpunk post-apocalyptique qui pioche tout à la fois chez Mad Max, Metropolis et Orange mécanique, et où Ranx se sentirait comme chez lui.
On trouve juste ce qu’il faut d’humour et de politique, l’action prédomine sans écraser les autres thèmes, les délires religieux sont aussi bien montrés que les régimes autoritaires, bref : le scénario est saisissant. La réalisation est quant à elle extraordinaire : les décors sont incroyablement détaillés, l’animation est d’une fluidité irréprochable y compris sur les rotations de personnages, et Ōtomo a puisé dans Tron exactement ce qu’il fallait pour rendre ses courses-poursuites haletantes, dynamiques, entraînantes et spectaculaires.
Le souci, c’est qu’il y a une seconde partie. Et là, ça part un peu en couille, le film suivant le virage de Tetsuo et délayant exagérément la sauce. On répète à plusieurs reprises le même schéma narratif : Tetsuo s’évade, s’énerve, Kaneda et les jeunes vieux essaient de le raisonner, la jeune vieille fait un discours pontifiant, Tetsuo pète un plomb, le coin est détruit, et on peut passer au décor suivant. C’est vite lassant, d’autant plus que les scènes de confrontation s’allongent à chaque niveau, jusqu’à un finale où on regarde sa montre en attendant que ça explose.
Sans doute aurait-on pu faire un dessin animé sublime d’une heure trente. Mais en l’état, l’excellence de la mise en place et le soin apporté à l’univers du film comme à ses aspects techniques ne compensent pas la fin surjouée et délayée, plutôt ennuyeuse au fond. S’il faut voir Akira, c’est donc essentiellement pour comprendre ce qu’il a pu apporter à d’autres œuvres parues depuis…