Matrix reloaded
|des Wachowski, 2003, *
En physique relativiste, l’espace-temps peut être plus ou moins dilaté selon les endroits-moments. Du coup, on peut avoir des distances-durées différentes entre des points dont les coordonnées ont le même écart. C’est sans doute ce qui explique pourquoi, entre le début (disons 20:00) et la fin (mettons 22:12) du film, on mesurera 2 h 12 minutes, alors qu’entre le début de la course-poursuite et sa fin, on mesura environ quarante-sept heures, cinq cent trente-huit minutes et mille six cent vingt et une secondes.
Ajoutez les innombrables scènes de kung-fu illisibles, les interminables ralentis façon « bullet time » faits à l’ordinateur pour montrer qu’After Effects est plus souple d’emploi qu’une batterie de caméras synchronisées, et la durée réelle de ce film de 2 h 12 se compte en semaines.
En fait, il s’est passé un truc simple : les Wachowski n’avaient pas des masses de scénario. En gros, il faut que Schtroumpf trouve la source de la matrice, et pour ça il doit passer de niveau en niveau et de baston en baston pour débloquer le trajet étape par étape. C’est à la fois une pâle copie de la séquence finale de Tron et un Fort Boyard sous amphètes.
Mais comme le budget était à peu près illimité, ça n’a dérangé personne de faire deux heures d’action complètement absurde pour compléter les douze minutes du script. Ça nous donne donc ça, cette espèce de jeu vidéo un peu bâclé mais fun à jouer (sauf que là, on regarde au lieu de jouer), cet enchaînement virevoltant de mouvements de caméra virtuelle où, de temps en temps, comme par accident, quelqu’un se met à causer. Et alors on comprend pourquoi tout le monde a des lunettes noires : ça permet de ne pas voir qu’aucun acteur n’y croit une seconde.
C’est cependant pas tout à fait nul, ce qui lui permet d’échapper à la bulle infamante. Deux raisons à cela.
La première, c’est qu’en dehors de cette course-poursuite plus longue qu’une soirée intégrale von Trier sans pause ni alcool, le montage rythmé fait plutôt bien passer la pilule1.
La deuxième, c’est que vers la fin, un personnage dit à Schtroumpf un truc du style : « tu utilises tous tes muscles, sauf celui qui serait utile », ce qui est une excellente auto-analyse du film.