Les veuves

de Steve McQueen, 2018, ****

Quand Veronica, Alice, Linda et Amanda perdent leurs hommes, ça n’est pas la seule mau­vaise sur­prise de la semaine. Non seule­ment les quatre mâles sont canés, mais ils se sont fait des­cendre au cours d’un bra­quage. Et non seule­ment ils fai­saient un bra­quage, mais ils bra­quaient un mafieux/politicien, qui a bien l’in­ten­tion de faire payer aux veuves l’argent que les feus bra­queurs lui ont déro­bé. Voilà donc quatre héroïnes en quête de mil­lions, avec tout de même une lueur d’es­poir : Veronica a récu­pé­ré, dans les notes de son mari, un plan de bra­quage qua­si­ment bou­clé, qu’il n’y a plus qu’à exécuter.

Bon, il reste juste un truc à voir : cinq mil­lions, ça pèse plus de 100 kg. Va fal­loir s’en­traî­ner à por­ter des sacs. — pho­to Twentieth Century Fox

Nouvelle varia­tion sur l’é­ter­nel thème du film de casse, Les veuves se dis­tingue prin­ci­pa­le­ment par ce point : les autrices ne sont pas cri­mi­nelles et n’au­raient jamais eu l’i­dée de se lan­cer là-dedans sans y être contraintes par un caïd. Ça ne suf­fit pas vrai­ment à en faire un sujet ori­gi­nal et si l’on est tout à fait hon­nête, c’est une œuvre polie mais qui ne sort jamais de son genre. On y retrouve donc sans sur­prise tous les fon­da­men­taux : consti­tu­tion de l’é­quipe, pré­pa­ra­tion du casse, impré­vu obli­geant à recons­ti­tuer l’é­quipe, bra­quage, fuite, der­niers rebon­dis­se­ments et bou­clage. Notons en pas­sant qu’un des der­niers rebon­dis­se­ments est sur­pre­nant de niai­se­rie et que s’il pre­nait plus d’im­por­tance, il ferait direc­te­ment perdre une étoile au film.

Pas très ori­gi­nal donc, mais une œuvre soi­gnée, fil­mée, réa­li­sée et mon­tée avec pré­ci­sion — sans sur­prise il est vrai : Sean Bobbitt et Joe Walker ont pho­to­gra­phié et mon­té les quatre films de McQueen. Le qua­tuor de pre­miers rôles, mené par Viola Davis et Elizabeth Debicki, tourne par­fai­te­ment, et les seconds rôles mas­cu­lins sont éga­le­ment maîtrisés. 

Quoi, tu me recon­nais pas ? C’est parce que j’ai plus ma jupe droite et mon ves­ton qua­drillé ? — pho­to Twentieth Century Fox

J’apporterai une petite acco­lade par­ti­cu­lière à Cynthia Erivo, dont c’est seule­ment le deuxième rôle au ciné­ma (c’est, à la base, une actrice de comé­die musi­cale) : elle s’a­vère très convain­cante dans un rôle de body-buil­deuse rentre-dedans. Rien d’ex­tra­or­di­naire en soi, sauf que son pre­mier rôle, c’é­tait une chan­teuse très polie et presque effa­cée, exac­te­ment le contraire donc : en deux films, elle a fait plus de per­son­nages dif­fé­rents que Michelle Rodriguez en trente.

Et puis, Les veuves a cette qua­li­té de cer­tains films qui savent glis­ser des petits trucs çà et là, sans en faire un vrai sujet, sans que ça empiète sur la trame géné­rale. C’est donc un film de casse qui raconte un casse, soli­de­ment cam­pé sur les fon­da­men­taux de tous les films de casse ; mais comme ça, en pas­sant, l’air de rien, il ajoute des pas­sages sur les parents iso­lés, les vio­lences conju­gales ou la para­noïa policière.

Arrête de pleu­rer, ma fille, au moins c’est fini les yeux au beurre noir. — pho­to Twentieth Century Fox

Soyons hon­nête : dans la fil­mo­gra­phie de McQueen, ça reste loin de Shame. L’ambiance est beau­coup plus clas­sique, il n’y a pas le même poten­tiel per­tur­bant ni la même ten­sion inas­su­mée, et ça raconte une his­toire bien plus ordi­naire (enfin, quand je dis ordi­naire, on se com­prend, quoi). 

Mais pour les ama­teurs de thril­lers qui appré­cient les cas­tings fémi­nins de pre­mier plan, c’est un très bon moment assuré.