Au poste !
|de Quentin Dupieux, 2018, ****
Pourquoi je suis allé voir ça ? Oh, ben, d’abord, parce que la bande-annonce avait l’air bien loufoque, c’est pour ça. Ensuite, j’aime bien Poelvoorde. Enfin, un pote était curieux de savoir ce que j’en penserais, et au fond, c’est pour ça que j’ai pris mon billet.
Après, bon, le seul Dupieux que j’ai vu, Wrong cops, était loin d’être convaincant, et la bande-annonce laissait penser que ça pouvait être super lourd. C’est pour ça que j’avais aussi des doutes.
À la base, l’histoire est simple : c’est un huis-clos tendu entre le témoin d’un meurtre et un flic, qui se met rapidement à le suspecter. C’est pour ça que le film est assez court : 1 h 13 en tout et pour tout.
Mais Dupieux n’a pas pour autant voulu faire un polar sérieux à la Garde à vue. Son truc, c’est plutôt l’humour décalé. C’est pour ça qu’il a pris Benoît Poelvoorde pour jouer un flic noyé dans son boulot, dopé au café, qui n’a pas dormi depuis des lustres ; c’est pour ça qu’il a collé un postiche sur l’œil de Marc Fraize, flic gâté ni physiquement ni intellectuellement ; c’est pour ça qu’il a intégré les souvenirs et rêveries du suspect à son script, faisant de son film un va-et-vient régulier entre la narration parfois onirique de la nuit du meurtre et celle souvent plus brute de la déposition-interrogatoire.
Le résultat est particulier, oscillant entre grotesque, absurde, comique de situation, et accents de tragédie dispersés çà et là. C’est pour ça qu’on sera vite paumé si on essaie de suivre. C’est un bordel sans queue ni tête mais, en même temps, c’est parfaitement maîtrisé, avec une progression méthodique et implacable qui joue en permanence avec les nerfs du spectateur — la question de tout huis-clos policier, « le témoin est-il un pauvre couillon tombé au mauvais endroit ou un maître manipulateur qui joue au con ? », est traitée sérieusement au fil de saynètes plus loufoques les unes que les autres. La fin du film se permet même de se foutre ouvertement du spectateur, mais en lui accordant la compagnie d’un personnage : c’est pour ça qu’on se sent pas trop seul, même si à la fin, on est un peu perdu.
Finalement très malin et complètement con, fin dans sa lourdeur, élégant dans sa grossièreté, voilà en tout cas un film qui sort du lot. Et si j’aime bien parfois une touche d’absurde dans certaines œuvres, finalement, c’est pour ça.