Red tails
|d’Anthony Hemingway, 2012, **
Il y a des films qu’on a envie d’aimer. Pensez donc : des pilotes de 1944, relégués à des tâches secondaires parce qu’aucun bombardier ne veut être protégé par un nègre, volant encore sur des P‑40 limités face aux derniers chasseurs allemands, qui ne peuvent même pas boire un verre vu que le bar de l’escadrille est réservé aux officiers blancs, qui doivent lutter contre les préjugés autant que contre l’ennemi et finissent par prouver qu’ils peuvent faire le taf aussi bien que n’importe qui — statistiquement, ils ont ramené plus de bombardiers que la moyenne des chasseurs d’escorte américains en Méditerranée.
Oui, mais il y a des films que, si on est honnête, on a du mal à aimer. Vous savez, ces films pleins de clichés, avec le surdoué tête brûlée qui fait peur à ses camarades et va attaquer un destroyer tout seul, pour le fun, en fin de mission, et son chef torturé par la guerre, les doutes et l’alcool ; ces films où l’ennemi est un méchant balafré qui suit les héros d’un bout à l’autre et connaît tous les ressorts de l’histoire… Alors que, honnêtement, quand vous êtes enfermé dans un Messerschmitt et que vous combattez à quelques centaines de mètres de gens casqués en lunettes d’aviateur et masque à oxygène, j’ai du mal à penser qu’au premier coup d’œil, vous savez si votre adversaire est bronzé.
En fait, l’idée de base est de George Lucas, qui a également produit très activement le film, et ça se sent. Pas seulement dans le fait que les acteurs sont livrés à eux-mêmes — ceux qui savent s’auto-diriger sont bons, les autres ont l’air de planter des choux — mais aussi parce que globalement, ça ressemble foutrement à un Star wars, avec ses gentils très gentils, son gentil un peu borderline de service mais quand même très gentil en fait, ses méchants très bêtes et très méchants, son action réalisée avec soin, ses effets spéciaux très travaillés, son amourette totalement hors-sujet et ses scènes émouvantes survendues et aussi originales qu’une 208 blanche sur un parking à Poissy.
Les amateurs d’Histoire seront tout aussi partagés : d’un côté, l’épopée des Tuskegee Airmen n’est pas très connue de la population, les œuvres qui en parlent sont souvent assez arides, et il est bon qu’un film résolument grand public, un vrai blockbuster à pop-corn, vienne populariser cet épisode de la Seconde Guerre mondiale. D’un autre côté, outre l’oubli quasi systématique des masques à oxygène et d’autres détails matériels du même genre, Red tails torture l’Histoire à plusieurs reprises, en faisant des Tuskegee Airmen les premiers vainqueurs d’un Messerschmitt 262 ou en reprenant la légende selon laquelle aucun bombardier qu’ils escortaient n’aurait été descendu.
Le bilan est donc simple : un film bourré de bonnes intentions, dont l’existence même est louable, rythmé et entraînant, mais qui souffre de personnages caricaturaux et prévisibles, d’une pile de clichés et d’approximations historiques, et s’avère finalement tout à fait oubliable.