Thor : Ragnarok

de Taika Waititi, 2017, ****

Je n’a­vais pas vrai­ment pré­vu de me rendre dans une salle pour voir le troi­sième volet de Thor. Faut dire que les deux pre­miers étaient abso­lu­ment à chier, convain­cus qu’une sur­en­chère d’ef­fets spé­ciaux per­met­trait de faire pas­ser n’im­porte quoi et qu’il n’é­tait pas utile de se fati­guer à écrire un scé­na­rio ou à diri­ger des acteurs.

Mais depuis, il s’est pas­sé deux choses.

La pre­mière s’ap­pe­lait Rush. En fait, si on veut pinailler, il est sor­ti un poil avant Thor : le monde des ténèbres, mais les pro­duc­tions ont dû se faire à peu près en même temps. Bref, avec Rush, on a décou­vert que Chris Hemsworth pou­vait jouer un rôle, pour peu qu’on lui donne plus d’in­di­ca­tions que « plisse les sour­cils et contracte les biceps, par­fait, merci ».

La seconde s’ap­pe­lait S.O.S. fan­tômes. Et là, on s’est aper­çu que Chris Hemsworth avait même un vrai poten­tiel comique, pou­vant s’au­to-cari­ca­tu­rer élé­gam­ment et don­ner une cer­taine pro­fon­deur à un crétin.

Et comme, bien évi­dem­ment, l’é­quipe tech­nique a encore chan­gé, la pro­duc­tion en a pro­fi­té pour récu­pé­rer un réa­li­sa­teur néo-zélan­dais mécon­nu chez nous, mais spé­cia­liste de la comédie.

Du coup, mes petits cama­rades m’ont dit que je serais sur­pris, et j’ai fini par aller le voir, trois semaines après sa sortie.

Non non, c’est pas un Avengers. Ou alors, Tony Stark a rétré­ci. — pho­to Marvel Studios

Et bien, ils avaient raison.

Bien sûr, ça hérisse vague­ment les che­veux d’en­tendre le Ö de « Ragnarök », inex­pli­ca­ble­ment trans­crit sans son tré­ma¹, pro­non­cé [ɔ] au lieu de [ø]. Mais si c’est le truc qui m’a le plus déran­gé, c’est que glo­ba­le­ment, ça va.

Alors que les deux pre­miers ten­taient de mas­quer leur vide abys­sal der­rière le fard de la gran­di­lo­quence théâ­trale et des effets spé­ciaux outran­ciers, le troi­sième volume compte sur le déca­lage comique et le rire facile pour lier la sauce. Quelqu’un a dit que c’é­tait le fils natu­rel des Gardiens de la galaxie et des Thor, et ça n’est pas tota­le­ment faux : on colle aux per­son­nages de ceux-ci l’hu­mour et l’é­qui­libre paro­dique de ceux-là. Multiples clins d’œil aux pré­cé­dentes œuvres de la mai­son (en par­ti­cu­lier la célèbre scène Hulk-Loki du pre­mier Avengers), face-à-face réus­si entre le plus scan­di­nave des Australiens et le plus bri­tan­nique des Anglais, élar­gis­se­ment de l’u­ni­vers d’o­ri­gine en inté­grant enfin des élé­ments essen­tiels de la mytho­lo­gie nor­dique, et même pla­nète-pou­belle qui pour­rait rap­pe­ler une adap­ta­tion par Douglas Adams d’un bon Star Wars : la liste des choses réus­sies, éton­nantes et par­fois même ori­gi­nales est longue !

Ça fai­sait long­temps qu’on n’a­vait pas vu un aus­si bon Star Wars. — image Marvel Studios

Bien sûr, ça ne vole pas tou­jours très haut, bien sûr, Hela est un peu ratée çà et là, bien sûr, les scènes d’ac­tion en font par­fois un peu trop ; mais dans l’en­semble, ce troi­sième volume apporte enfin fraî­cheur, légè­re­té et ori­gi­na­li­té à une série qui en man­quait cruellement.

¹ Ö (ou Ø en danois et en nor­vé­gien) est une lettre à part entière dans les langues scan­di­naves. Écrire « Ragnarok », c’est exac­te­ment pareil qu’é­crire « Ragnarwk » ou « Ragnarðk » : ça n’a aucun sens.