Certaines femmes

de Kelly Reichardt, 2016, ****

Il y a l’a­vo­cate, qui tente depuis des mois de faire com­prendre à un acci­den­té du tra­vail que non, il n’a plus aucun recours contre son employeur. Il y a la mère, chef d’en­tre­prise qui fait construire sa mai­son par son mari et négo­cie l’a­chat des maté­riaux. Il y a l’é­tu­diante, qui a accep­té de don­ner des cours à l’autre bout de l’État et qui se retrouve contrainte de les assu­rer en plus du vrai tra­vail qu’elle a décro­ché. Il y a la gar­dienne, qui s’oc­cupe des che­vaux d’un pro­prié­taire absent pour l’hi­ver dans un ranch gelé et isolé.

Et il y a les autres, ceux qui com­prennent mira­cu­leu­se­ment quand un homme leur dit ce qu’une femme leur répète depuis des lustres, ceux qui vont natu­rel­le­ment négo­cier avec le mari plu­tôt qu’a­vec l’é­pouse, ceux qui ont un béguin mal­adroit ou qui ne savent pas com­ment dire « non »…

Seule au ranch… — pho­to Peripher Filmverleih

Petite tranche de vie, gale­rie de por­traits fémi­nins, ins­tan­ta­nés tris­te­ment réa­listes, Certaines femmes est un peu tout cela à la fois. C’est sur­tout un film sur la soli­tude, celle bien réelle d’une qui fait pous­ser des che­vaux dans les déserts gla­cés du Montana ou d’une qui est quan­ti­té négli­geable dans un lycée rural, ou celle plus psy­cho­lo­gique d’une qui défend des gens qui ne l’é­coutent pas ou d’une qui se sent iso­lée dans sa propre famille.

Ça ne raconte pas grand-chose : à la fin du film, le monde n’est ni plus, ni moins moche qu’au début, et même les per­son­nages semblent immuables dans leurs micro-évo­lu­tions. C’est du sans doute un peu vain, comme les efforts qu’elles font dans leur com­bat ordi­naire pour ten­ter d’exis­ter au moins à leurs propres yeux. Et c’est cer­tai­ne­ment pro­fon­dé­ment déprimant.

Mais c’est aus­si beau, d’une cer­taine manière. Et je ne parle pas juste de la pho­to, par­fois superbe, non : je parle de ces quatre des­tins ordi­nai­re­ment mau­dits de femmes ordi­nai­re­ment igno­rées, racon­tés avec une pointe d’hu­mour et un infi­ni res­pect. Ça donne envie de prendre garde à ces anti-héroïnes du quo­ti­dien, et fina­le­ment, à ce titre, c’est extrê­me­ment réussi.