Demain tout commence
|de Hugo Gélin, 2016, ****
C’est l’histoire d’un grand couillon qui passe ses journées à piloter un yacht, ses nuits à faire la fête dans un club de plage, et qui drague tout ce qui bouge. Jusqu’au jour où il recroise Kristin, accompagnée d’un poupon. Kristin, qui file à l’anglaise après avoir déposé son colis, laissant le dadais avec sa seule pensée : « On a vaguement couché ensemble, mais franchement pas assez pour dire “bon ben tiens, voilà c’est ta fille salut” ! » Le voilà donc avec une gamine sur les bras, filant à Londres à la recherche désespérée de Kristin, avant de finir hébergé chez un producteur très amateur de beaux garçons dans son genre.
Vous la sentez venir, ma grosse comédie française bien grasse ? Oui, moi aussi. D’ailleurs, j’y suis allée parce que oh, on sait jamais, au pire y’a un risque que les vannes soient drôles, en général il est quand même bon dans ce registre le petit Sy, et pis ça fait longtemps que j’ai pas vu le minois de Poésy, et j’ai rien de mieux à faire ce dimanche midi, et ça me fera prendre l’air voilà.
Et puis, surprise : c’est beaucoup plus fin que prévu. Pas seulement pour les linguistes, même si pour être honnête, le « elle a un accent plutôt américain pour une petite Anglaise » m’a énormément fait plaisir. En fait, la puérilité de Samuel, présentée de manière totalement lourdingue dans les cinq premières minutes, a une raison d’être et de perdurer. La question du mensonge, centrale dans l’histoire — tout le monde ment à un moment ou à un autre —, aurait pu devenir purement moralisatrice quand l’édifice se casse la gueule, mais elle est en fait presque justifiée a posteriori sans se contenter du simple « j’ai pas su comment le dire et puis après j’étais piégé ». Les dialogues sont plutôt soignés et servis par un casting de choix, le clownesque syien et le tragique poétyque se répondant extrêmement bien, tandis qu’Antoine Bertrand dépasse pendant deux minutes cruciales le simple rôle de gros phoque de service.
Bien entendu, cela reste parfois le film qui en fait trop. Il en fait trop sur sa mise en place, où le grand dadais est vraiment présenté de manière caricaturale et pesante. Il en fait parfois trop sur ses retournements, notamment lorsque Kristin décide en une seconde de demander la garde de sa fille. Enfin, il en fait beaucoup trop et force vraiment ses effets dans les trois dernières minutes, même s’il a le bon goût de ne pas céder à un happy end qui aurait été franchement malvenu.
Mais l’ensemble est plus fin, mieux écrit et plus complexe que ce que j’aurais espéré après avoir vu la bande-annonce une demi-douzaine de fois : à l’heure du bilan, ça fait clairement partie du haut du panier de la tragi-comédie française moderne.