Le convoi
|de Frédéric Schoendoerffer, 2014, ***
Dès les premières scènes, le ton est donné : les voitures allemandes, c’est classe et ça double, les voitures françaises, c’est moche et ça se fait doubler. Il y a bien une Chrysler 300C pour brouiller les pistes, mais Dieu merci cette grosse italo-américaine disparaît rapidement pour laisser les S4, Cayenne et autres porte-étendard du groupe VAG tenir l’écran, vu que ce sont elles, les stars du film.
J’exagère ? Non mais attendez, c’est pas un hasard si même sur les très jolis plans bucoliques, Vincent Gallot, directeur de la photographie, s’arrange pour qu’on voie toujours bien le logo de la voiture ? Même quand le petit jeune a des états d’âme et semble s’éloigner de la caisse dans laquelle il vient de perdre un ami, on voit absolument toujours celle-ci !
La question du clip publicitaire étant évacuée (j’avais plus vu un truc aussi lourd depuis Les chevaliers du ciel), on signalera un autre élément un peu perturbant : perso, si je prends une fille au hasard parce que je viens de démolir sa Golf (mince, j’avais dit que j’arrêtais avec le placement produit), je tombe rarement sur une conductrice émérite, à l’aise pour se faufiler à travers les barrages dans une berline sportive, prête à défoncer des barrières d’autoroute comme qui rigole, voire à choper les armes qui traînent pour tirer dans le tas. En général, je tombe plutôt sur une chose effrayée qui hurle parce qu’elle est assise à côté d’un cadavre, qui panique quand elle se fait tirer dessus ou quand on percute sa bagnole, et qui m’est rapidement aussi utile qu’un boulet peut l’être pour un nageur. (Note : histoire de pas passer pour un beauf misogyne, je précise qu’à sa place, je serais moi-même une petite chose effrayée qui panique et sert à rien, sauf qu’en plus de me ferais dessous, ce qui est gênant dans le siège conducteur d’une Audi.)
Pis : si je tombe sur une nana carrée qui devient en dix minutes une fonceuse aux nerfs d’acier, il lui faut trente secondes pour s’apercevoir qu’elle a sa ceinture et pas moi, et elle se jette sur le premier mur qu’elle trouve pour me faire traverser le pare-brise. Non seulement le mec tombe pile poil sur une évadée de Fast and furious, mais en plus elle décide de rouler pour lui plutôt que de le planter.
La question de ce personnage totalement WTF étant réglée, on peut passer au reste. Et le reste est étonnamment plutôt bon : outre la très jolie photo déjà évoquée, la réalisation est soignée, le montage est nerveux à souhait et permet de faire prendre ce mélange bizarre de huis-clos et de road-trip, la bonne volonté des acteurs fait passer des dialogues un peu stéréotypés (enfin les mecs, c’est des clichés sur pattes, quoi), et même Magimel qui aurait tendance à en faire un poil trop dans son rôle d’ombrageux imperturbable s’en sort finalement plutôt bien.
Pour qui ne s’embarrasse pas de vraisemblance, Le convoi est donc un film d’action noir, nerveux, tendu, prenant et ultra-efficace, qui a en prime l’avantage de garder sa vision jusqu’au bout et d’éviter le happy end gnangnan qu’on aurait craint. Mais faut vraiment pas s’embarrasser de vraisemblance.