残響のテロル

de Shinichirō Watanabe, 2014, ****

Sphinx 1 et Sphinx 2. Ce sont deux per­sonnes der­rière des masques, qui se dif­fusent sur Youtube. « Tōkyō sera enve­lop­pée de ténèbres après 15h, et de grandes étin­celles s’é­par­pille­ront dans le quar­tier de Shinjuku. » Et cet après-midi là, l’a­li­men­ta­tion élec­trique de la pré­fec­ture est cou­pée, pro­vo­quant l’é­va­cua­tion de l’im­meuble ; quelques minutes plus tard, celui-ci est détruit par des charges explo­sives soi­gneu­se­ment pla­cées. L’histoire va dès lors se répé­ter et deve­nir un jeu entre les Sphinx et la police : les ter­ro­ristes postent à chaque fois une vidéo avec une énigme, sou­vent tirée de la mytho­lo­gie grecque et plus par­ti­cu­liè­re­ment d’Œdipe, et les flics tentent de résoudre l’é­nigme pour empê­cher le pro­chain attentat.

Avant, j'étais un immeuble. Mais ça, c'était avant. image Mappa
Avant, j’é­tais un immeuble. Mais ça, c’é­tait avant. image Mappa

Ce n’est pas déflo­rer le sujet que de dire que tout tourne autour de trois fac­tions : les Sphinx, deux ado­les­cents sur­doués qui ont veulent faire un maxi­mum de bruit mais prennent beau­coup de pré­cau­tions pour ne tuer per­sonne (d’où le titre, qu’on tra­dui­rait par La ter­reur dans l’é­cho) ; Shibazaki, un flic entre deux âges, désa­bu­sé et pla­car­di­sé mais (ou parce que) doté d’un esprit brillant ; et une jeune fille extrê­me­ment intel­li­gente qui s’en prend aux Sphinx notam­ment en ten­tant de faire en sorte que leurs atten­tats fassent des victimes.

Bien enten­du, cette lutte entre gens brillants qui aiment les jeux d’es­prit ne va pas sans une bonne dose d’in­tel­lec­tua­lisme et mal­gré la bonne volon­té des scé­na­ristes pour vul­ga­ri­ser leur sujet, il faut sou­vent s’ac­cro­cher pour sai­sir toutes les réfé­rences (enfin, je veux pas me jeter des fleurs, j’en ai sans doute raté autant que j’en ai vues). En fait, par cer­tains côtés, ça rap­pelle furieu­se­ment La nuit des enfants rois, mais avec une nar­ra­tion sen­si­ble­ment plus intel­lec­tuelle et une tour­nure radi­ca­le­ment dif­fé­rente : les enfants se sont éva­dés, sépa­rés, et finissent non seule­ment par ter­ro­ri­ser toute la popu­la­tion, mais aus­si par s’af­fron­ter entre eux.

Quelques grammes de douceur dans un monde de brutes. image Mappa
Quelques grammes de dou­ceur dans un monde de brutes. image Mappa

Si la thé­ma­tique ter­ro­riste est évi­dem­ment omni­pré­sente (avec des élé­ments qui rap­pellent aus­si bien les atten­tats de New York en 2001 que ceux du métro tokyoïte en 1995), la série pioche aus­si dans les rela­tions ami­cales, la ran­cune et la ven­geance, la fier­té, l’hon­neur et la honte, la com­mu­ni­ca­tion et la pro­pa­gande, les dilemmes moraux, et sur­tout l’a­ban­don – aus­si bien au sens d’être aban­don­né qu’à celui de s’abandonner.

Un lieu public, des gens qui s'ignorent ou qui font la gueule, bref, la vraie vie. image Mappa
Un lieu public, des gens qui s’i­gnorent ou qui font la gueule, bref, la vraie vie. image Mappa

Histoire de ren­for­cer son côté humain, Terror in reso­nance (comme ça vous connais­sez le titre à l’ex­por­ta­tion) s’ap­puie éga­le­ment sur une volon­té per­ma­nente de réa­lisme dans la pré­sen­ta­tion d’un Tōkyō moderne et de sa socié­té : les arrière-plans sont soi­gnés et pleins de petits détails viennent ancrer l’ac­tion dans la réa­li­té, de la gueule des gens dans le métro à la façon dont s’ef­fondre un immeuble, bien plus réa­liste que dans San Andreas par exemple. Et si c’est évi­dem­ment avant tout une œuvre tra­gique, quelques pas­sages d’ac­tion pure viennent dis­traire le spec­ta­teur et on peut s’at­ten­drir devant quelques gags et une poi­gnée de dou­ceurs dis­sé­mi­nées au fil de la narration.

L’ensemble est glo­ba­le­ment fort et pre­nant, la série ne cher­chant pas à jouer la montre (11 épi­sodes, pas un de plus), et hau­te­ment recom­man­dable pour qui aime les anime, les thril­lers et les his­toires vague­ment perturbantes.