Sans arme, ni haine, ni violence

de Jean-Paul Rouve, 2007, ****

Le mythe du ban­dit au grand cœur, vous connais­sez ? Spaggiari aus­si. Il fait un casse tout en élé­gance, tra­ver­sant les rats et la pour­ri­ture des égouts pour arri­ver dans une banque, la bra­quer et repar­tir en toute dis­cré­tion. Pris, il s’é­vade en sau­tant du palais de jus­tice, et passe les années sui­vantes en cavale, à faire le kakou un peu par­tout et à don­ner des inter­views sans que la police fran­çaise n’ar­rive à l’attraper.

Trois décen­nies plus tard, Spaggiari reste un sujet de fas­ci­na­tion, par son côté grande gueule qui la ramène, par la réa­li­sa­tion impec­cable du casse, par le clin d’œil deve­nu slo­gan sur­tout : « ni arme, ni vio­lence et sans haine », raillant sans doute autant la police que les autres mal­frats de l’é­poque, dont Mesrine, déjà célèbre pour son côté Rambo sanguinaire.

Du coup, on en fait des films. Profitant d’une hypo­thé­tique mis­sion poli­cière fran­çaise en Amérique latine, Jean-Paul Rouve pré­sente la ren­contre entre un Spaggiari en manque de célé­bri­té et un pseu­do-jour­na­liste qui lui pro­met un article dans Paris Match. Et il trace le por­trait d’un grand gamin, égo­cen­trique, fier de son coup et nos­tal­gique de sa gloire passée.

Du coup, il passe un peu sous silence la face obs­cure de Spaggiari. Exit le béret rouge, natio­na­liste et membre de l’OAS — un par­cours pas si éloi­gné de celui de Mesrine… —, déçu de l”  »embour­geoi­se­ment » de Le Pen ; place à un gen­til bon­homme un peu raciste mais géné­reux et amu­sant, plus cabot que méchant. Historiquement, on peut être assez dubi­ta­tif face à cet adou­cis­se­ment du per­son­nage. On est loin du Mesrine de Richet, dont le per­son­nage reste bru­tal, violent et agres­sif à l’extrême.

Sur le plan ciné­ma­to­gra­phique, en revanche, c’est éton­nam­ment plu­tôt réus­si. La réa­li­sa­tion est par­fois un peu mal­adroite (logique pour le pre­mier long-métrage d’un acteur), mais fait preuve d’une cer­taine « patte » dans les tran­si­tions entre nar­ra­tion prin­ci­pale et flashes-back notam­ment. Le rythme est rai­son­nable, l’in­ter­pré­ta­tion conforme à ce qu’on peut en attendre (un peu exa­gé­rée par­fois, mais ça colle au per­son­nage), bref, ça passe plu­tôt bien et c’est plus une jolie fable sur la classe, l’é­lé­gance et la droi­ture qu’un docu­ment historique.

Pris comme une comé­die poli­cière, c’est donc meilleur que ce à quoi je m’at­ten­dais. Faut juste pas prendre ce Spaggiari-ci pour le vrai.