Kick-Ass
|de Matthew Vaughn, 2010, ****
Pour devenir super-héros, vous n’avez pas besoin de super-pouvoir. Juste d’optimisme et d’une bonne dose de naïveté.
C’est le chemin suivi par un jeune crétin convaincu que tout le monde peut faire une différence, et qui devient Kick-Ass, l’anti-super-héros sans pouvoir, mais avec un survêtement vert. En fait d’aller botter le cul des méchants, il se fait logiquement démolir le portrait et passe six mois à l’hôpital1. Mais au passage, il a inspiré une bande de copieurs, dont Big Daddy et sa fille Hit Girl, qui ont eux pris les choses dans l’ordre : s’entraîner, apprendre à se battre, puis aller se fritter avec les vilains. En somme, Kick-Ass est un petit con paumé, mais Big Daddy et Hit Girl sont plus proches du Comédien, de Rorschach, du Hibou et du Spectre2.
Le problème, bien sûr, c’est que Kick-Ass, sorti de l’hôpital et revenu à des missions à son niveau — dire à un ex de ne plus embêter un fille —, se retrouve chez des vrais méchants, dealers du plus gros trafiquant de la ville… et ennemi juré de Big Daddy.
Alors voilà. C’est une comédie complètement délirante, tellement barrée qu’on pourrait la croire anglaise. C’est aussi très direct, les scènes de démolissage en règle pouvant être gores sans concession, à la suédoise en somme, donc mieux vaut avoir un cœur correctement accroché. C’est souvent extrêmement drôle et follement réjouissant, mais par moments authentiquement tragique, ce qui semble devenir une caractéristique courante dans les comédies d’action récentes — et je ne vais certainement pas m’en plaindre : comme Hugo, j’aime bien qu’un film soit à l’image de la vie, un peu drôle, un peu triste.
Les scènes d’action sont superbement réalisées, l’ensemble profite d’un montage très réussi avec des ralentissements opportuns et des accélérations fulgurantes, et surtout c’est plutôt bien joué, même si Nicolas Cage a un peu tendance à se contenter de son registre habituel. La ch’tiote Chloe Moretz pique sans vergogne le premier rôle à tout le reste du casting — ceci dit, elle était fort capable quand elle interprétait la sœur de Tom dans (500) jours ensemble — en incarnant un angelot tellement trash qu’à côté, la Mathilda de Léon ferait figure d’exemple de gentillesse3, de bienséance4 et de politesse5. Si la première apparition de la fille et du père est glauque, profondément triste, questionnante et perturbante, son arrivée dans le costume de Hit Girl est rien moins qu’éblouissante, dans une scène d’action tourbillonnante, légèrement parodique, qui est à cette comédie survoltée ce que le passage animé sur l’enfance de O‑Ren est à Kill Bill. Et sa plongée façon Counter-strike dans l’entrepôt est une vraie bonne idée de réalisation, qui immergera le spectateur à coup sûr (après l’avoir fait rire une seconde s’il est joueur, bien sûr).
Alors certes, Kick-Ass ne sera pas le chef-d’œuvre de l’année. Mais j’ai rarement eu l’occasion de voir une comédie parodique aussi trash, aussi décomplexée, aussi dépourvue de scrupules que ce petit bijou, qui n’a pour seule faiblesse que l’absence de passage véritablement profond. Et puis, un film qui cite le plus grand chef-d’œuvre de tous les temps ne peut pas être totalement mauvais…
Ah, truc amusant : chez nous, ce petit bijou tout de même un peu gore par moments n’a pas de classement particulier. Ce n’est pas le cas partout : il est « R for strong brutal violence throughout, pervasive language, sexual content, nudity and some drug use — some involving children« 6 aux États-Unis, soit interdit aux moins de 17 ans (en comparaison, Le chevalier noir ou Je suis une légende n’étaient que PG-13). Mieux, son interdiction aux moins de 18 ans dans trois provinces canadiennes lui permet de figurer sur une prestigieuse liste, aux côtés de Inglourious basterds et Pulp fiction, de Fight club, de Sin city, de la série télé Dexter ou encore du terrible Requiem for a dream. Bravo les gars.
PS : J’y suis retourné, j’en suis revenu avec encore plus de blabla à dire.
- Le type qui voit ses radios pleines de broches orthopédiques et qui dit « cool, on dirait Wolverine », c’est peut-être une vraie blague de geek mais j’adore. ^^
- Les gardiens de Moore et Gibbons, héros sans super-pouvoirs mais costauds quand même.
- Pour mémoire : « on essaie avec de vraies balles maintenant ? »
- « C’est pas vraiment mon père. C’est mon amant. »
- « Je veux tuer ces fils de putes, et exploser leurs putains de têtes ! » (traductions de mon cru, j’ai pas trouvé les citations en français)
- Ce qui, somme toute, est un excellent résumé du film. ^^