Kaizen — un an pour gravir l’Everest
|de Basile Monnot, Samy Boussié et Inoxtag, 2024, *
Un bon alpiniste a deux qualités.
D’une, il aime la montagne. Du coup, en général, il aime la montrer, la partager, donner envie de la découvrir. Là, le mec est tellement nombriliste qu’il est pas capable de faire un plan sur une avalanche sans l’entrecouper d’un plein cadre sur son pif en train de dire « wah une avalanche c’est énorme ».

De deux, il sait renoncer. S’il voit que son plan de marche a trop glissé, il rentre en se disant que des fois, ça passe pas. Là, quand il s’aperçoit qu’il est en retard pour rentrer dans de bonnes conditions, le mec écoute le speech de son père et dit « balec, on y va, on verra bien » — alors que son guide, lui, est prêt à rentrer. C’est le genre de connerie d’Herzog qui a coûté les orteils de Lachenal.
Et évidemment, corollaire du point deux : un bon alpiniste sait aussi ne pas perdre de temps au sommet à multiplier les séquences émotion et reprendre le chemin de la descente à l’heure pour pas finir crevé et paumé de nuit. Hillary estime avoir passé 15 minutes en tout et pour tout à vérifier où était le point le plus haut de l’arête, faire la photo de Tenzing et poser une paire d’offrandes. Là, le mec perd une plombe à faire des plans dans tous les sens, qui serviront à rien puisque le plus long fera 4 secondes et sera coupé par une minute de gros plan sur sa gueule en train de chialer dans son masque à oxygène. C’est le genre de connerie qui a coûté les orteils de Lachenal.

Et puis bon, voilà, le mec qui passe son temps à dire que c’est la zone de la mort, avec montagne déguisée façon œil de Sauron en cadeau, qu’il a jamais rien fait d’aussi dangereux, tout ça…
Le truc le plus dangereux qu’on voit, c’est quand ce boulet qui a oublié de regarder dans quel sens était son mousquif envoie valser son descendeur alors qu’il y a des gens 50 m plus bas. Un Reverso (pas sûr du modèle mais ça ressemble) pèse une soixantaine de grammes. Sur 50 m, il prend donc une trentaine de joules. C’est dix fois l’énergie typique d’une bille de pistolet BB 4,5 mm, qui va pas tuer quelqu’un mais peut clairement faire très mal (phalange fracturée, œil crevé…) si elle tape au mauvais endroit. Mais ça, il le relève à peine, comme si le seul problème de l’action était d’avoir perdu un descendeur. Pour lui, le danger, c’est d’être en bonne santé, accroché à une corde et entouré de professionnels, pas de laisser tomber un truc potentiellement blessant sur d’autres personnes.
Bref, c’est nombriliste, autocomplaisant, absolument dépourvu du moindre recul, réalisé façon scène d’action d’un mauvais Marvel avec une coupe toutes les trois secondes, et y’a plus de gros plans au grand-angle sur le héros que dans un mauvais Jeunet. Et par pure charité, je parlerai pas de la morale façon « bouge-toi le cul feignasse », « si tu veux tu peux » et « chuis trop un bon fils t’as vu ? »

Ça passe vaguement parce que, malgré tout, les photographes ont réussi à glisser en douce une paire de plans magnifiques entre deux monologues nombrilistes et parce que, malgré tout, Mathis a réussi à placer une paire de phrases importantes sur l’alpinisme, la montagne, tout ça. Mais c’est clairement le film d’alpinisme le plus pourri que j’ai vu depuis La montagne entre nous (qui avait l’excuse de ne pas être un film d’alpinisme).