Teen wolf

de Jeff Davis, 2011–2017, ****

Alors voi­là : hier, je me suis aper­çu que j’a­vais com­plè­te­ment oublié de par­ler de Teen wolf. C’était pas un brouillon empi­lé dans les dizaines de billets en attente, non, j’a­vais com­plè­te­ment oublié. Pourtant, j’a­vais bien aimé : même si ça volait pas tou­jours super haut, c’é­tait fun. Il est donc temps de répa­rer cet outrage.

Scott a quinze ans, il traîne dans les bois avec son ami Stiles. Il s’y fait mordre par un truc flip­pant et, dans les jours sui­vants, il s’a­per­çoit qu’il a un meilleur odo­rat et une meilleure ouïe, qu’il court plus vite, qu’il est plus agile, qu’il peut battre les autres joueurs de lacrosse alors qu’il était au mieux un pra­ti­quant médiocre. Oh, et que la Lune lui donne des petites frin­gales noc­turnes, aus­si. Il ren­contre alors le truc flip­pant qui l’a mor­du, qui s’ap­pelle Derek et qui lui explique des trucs sur les loups-garous, la meute, les Alpha, tout ça. Et les tueurs de loups-garous, aus­si. Dont le père de la jolie Allison.

Vous avez sui­vi ? J’avoue, rien de com­pli­qué. La mise en place est cou­sue de fil blanc, et vous pour­rez prendre un coup de fil sans mettre en pause.

Illustration publicitaire de Teen Wolf
Au pre­mier coup d’œil, ça res­semble à ça : deux héros gna­mou­reux, un inévi­table side­kick, trois lycéens beaux gosses aux drames super­fi­ciels. — pho­to Bob Mahoney pour MTV

Pourtant, ça tourne plu­tôt bien. La tona­li­té « comé­die ado » ini­tiale com­mence rapi­de­ment à deve­nir plus sombre, au point de jouer fran­che­ment sur le contraste entre les vannes de gosses et des séquences à l’am­biance car­ré­ment gothique à par­tir de la deuxième saison.

La même double détente est valable pour les per­son­nages. Bien qu’ils paraissent sou­vent pro­prets et sté­réo­ty­pés au pre­mier abord, ils sont qua­si­ment tous ambi­gus. Même le très méchant vilain boss de la famille Argent, qui peut par­fois ten­ter de sau­ver sa petite-fille quitte à s’al­lier à un loup-garou pour l’oc­ca­sion (et vous connais­sez le rap­port entre les loups-garous et les balles d’Argent…).

Pete Ploszek dans Teen Wolf
Sauf que l’am­biance, en fait, elle va de Mad Max à Inglourious Basterds en pas­sant par The Crow. — pho­to MTV

Et puis, la série ne se contente pas de dérou­ler son his­toire. Elle change régu­liè­re­ment de sujet, ajoute des élé­ments à sa mytho­lo­gie en pio­chant aus­si bien dans le fait divers fran­çais que dans le folk­lore irlan­dais ou la légende japo­naise. Elle traite tout autant d’a­mour niais et idéal que de rela­tions com­plexes et fluc­tuantes, de bien­veillance héroïque que d’ob­ses­sion mor­bide, de fan­tas­tique hor­ri­fique que de rela­tions hié­rar­chiques, de syn­drome de Stockholm que de liber­tés indi­vi­duelles, de pul­sions de mort que d’en­vies de sau­ver le monde.

Le tout en fai­sant sou­rire par­fois, mais aus­si en fai­sant de ses gen­tils per­son­nages des vic­times tor­tu­rées pen­dant des semaines, des plaies à vif, des cadavres, des guer­riers sans états d’âme ou ron­gés par la culpa­bi­li­té, sans cher­cher à ména­ger les sus­cep­ti­bi­li­tés des spectateurs.

Et si le duo héros/sidekick res­semble à des mil­liers de duos héros/sidekicks appa­rus dans des mil­lions d’œuvres de fic­tion, leur rela­tion évo­lue au fil du temps, au point de voir Stiles deve­nir un vrai per­son­nage indé­pen­dant, capable de juger et déci­der contre Scott. Il est même le vrai héros de cer­tains épisodes.

Holland Roden et Crystal Reed dans Teen Wolf
…que les per­son­nages déco­ra­tifs s’a­vèrent plus dan­ge­reux que les mus­clés pleins de dents… — pho­to MTV

Et, sur­tout, le trio qui mène la danse est entou­ré d’une belle gale­rie de per­son­nages secon­daires, variés, dotés de per­son­na­li­tés com­plexes, des enne­mis aux parents en pas­sant par les flics et les employeurs. Les cli­chés sur pattes des beau­tés popu­laires reines du lycée sont très rapi­de­ment désa­mor­cés, notam­ment lors d’un mémo­rable échange intra­dui­sible du troi­sième épi­sode, où Allison parle à Lydia de son com­por­te­ment avec son copain :

Allison : Maybe you should stop pre­ten­ding to suck just for his benefit?…

Lydia : Trust me, I do plen­ty of sucking, just for his benefit.

Oui, parce que c’est aus­si une série amé­ri­caine où des ado­les­cents se per­mettent de faire des blagues de cul.

D’emblée donc, Lydia a deux faces : elle cache son jeu et joue la jolie cruche, sauf avec les quelques rares à qui elle fait confiance. Allison, la fille gen­tille et intel­li­gente amou­reuse du héros, se dédouble elle aus­si rapi­de­ment pour avoir ses propres dilemmes. Et la sai­son 3 voit débar­quer deux nou­velles têtes d’af­fiche fémi­nines avec leurs propres carac­tères, une farouche, rentre-dedans, qui n’a rien à foutre des conven­tions sociales, et une dis­crète Japonaise héri­tière de tra­di­tions sécu­laires mais qui pour­ra les remettre en ques­tion… Enfin là je sim­pli­fie exa­gé­ré­ment, vous sai­sis­sez l’idée.

Shelley Hennig en coyote-garou dans Teen Wolf
…que les gen­tilles effa­cées peuvent se faire décou­per ou décou­per des gens tran­quillou… — pho­to MTV

Notons en pas­sant que ces per­son­nages sont por­tés par des acteurs cor­rects. Le cas­ting est bien sûr un peu inégal, ça reste une série télé pour ado­les­cents ; mais on a droit à de vraies bonnes inter­pré­ta­tions sur des scènes-clefs du scé­na­rio. Et dans l’en­semble les acteurs aident clai­re­ment à faire pas­ser les quelques mal­adresses et lon­gueurs occasionnelles.

En outre, c’est un détail mais il est appré­ciable : ça se déroule dans notre monde, pas dans une terre ima­gi­naire qui res­sem­ble­rait à la nôtre mais où curieu­se­ment per­sonne n’a jamais enten­du par­ler du cœur de l’his­toire. Vous savez, ces séries de zom­bies où aucune légende de morts-vivants n’existe, ces vam­pires qui appa­raissent dans une ville où nul n’a jamais racon­té une his­toire de suceur de sang à la veillée ? Rien de ça ici : avant même qu’on apprenne que les loups-garous existent, on fait des blagues des­sus, et on trouve même des allu­sions au film Teen wolf des années 80.

Baguarre en boîte de nuit
…et qu’on sait jamais si on va sor­tir d’une boîte de nuit avec ses tripes dedans ou dehors. — pho­to MTV

Sans être bou­le­ver­sante, la série est donc plu­tôt bien faite. Elle évite la mono­to­nie, n’hé­site pas à tor­tu­rer ou tuer des per­son­nages impor­tants, déve­loppe des sujets variés en dépas­sant les sté­réo­types faciles, fusionne avec une cer­taine grâce des mytho­lo­gies diverses, et réa­li­sa­tion comme direc­tion d’ac­teurs sont dans l’en­semble à la hauteur.