La forêt de mon père

de Vero Cratzborn, 2019, ***

Carole a quatre enfants. Son aînée bien sûr, Gina, ado­les­cente cri­tique, bien­veillante avec les petits mais par­fois dure avec les adultes. Le puî­né, Tony, une dou­zaine d’an­nées, qui com­mence à com­prendre que sa famille est che­loue. La cadette, Nora, gamine qui ne sai­sit pas encore tout ce qui se passe. Et puis son mari Jimmy, gen­til mais fan­tasque et pas super stable, le plus pué­ril des quatre.

Jimmy, bûche­ron, qui a croi­sé un chat en haut d’un hêtre, et le chat lui a dit d’ar­rê­ter d’é­la­guer les arbres parce que ça leur fait mal. Jimmy, qui s’est fait arrê­ter par les vigiles après avoir ten­té de faire pas­ser un cha­riot de courses à poil — parce que sans ses vête­ments, il est invi­sible. Jimmy, qui est donc selon le psy­chiatre en plein épi­sode psychotique.

La forêt de mon père
Ouaiiiis, j’ai trou­vé un lapin ! — pho­to Iota Production

Alors voi­là, faut le dire : c’est glauque.

Mais vrai­ment glauque.

Jimmy, mal­gré toutes ses bonnes inten­tions, est dan­ge­reux pour son entou­rage, et celui-ci fait tout son pos­sible pour le sou­te­nir — tout en se déchi­rant, parce que per­sonne n’est d’ac­cord sur les solu­tions à appor­ter. Un irres­pon­sable, quatre vic­times plus ou moins consen­tantes, et sur­tout un sys­tème psy­chia­trique pris de court et qui ne fonc­tionne guère. Il y a bien quelques bulles de liber­té, de grâce, de joie natu­ra­liste ; mais comme toutes les bulles, elles finissent par écla­ter, et la chute est d’au­tant plus dure que la bulle était haut.

Dans les arbres
Alors ça, tu vois, c’est un fagus syl­va­ti­ca, c’est super com­mun mais les Parisiens et le reste du monde l’ap­pellent pas pareil. — pho­to Iota Production

Les acteurs font sans sur­prise un très bon bou­lot : Lenoir récu­père juste ce qu’il faut de la cré­ti­ne­rie de Klaus pour allé­ger son per­son­nage et faire com­prendre pour­quoi les autres l’aiment quand même, tan­dis que Sagnier retrouve une cer­taine sobrié­té et que Souchaud oscille sur le fil entre rage et bienveillance.

On peut regret­ter la super­fi­cia­li­té du scé­na­rio, qui se contente par­fois d’é­vi­dences (la fille à papa vs le fils à maman par exemple) et renonce trop sou­vent à creu­ser son sujet, mal­gré quelques scènes plus sub­tiles et réus­sies. Il manque aus­si de liant et cer­taines séquences débarquent un peu comme un che­veu sur la soupe, sans col­ler à ce qu’on sait des personnages.

La forêt de mon père, le doigt sur le nez
Bon, ché­ri, tu peux arrê­ter tes conne­ries une seconde ? — pho­to Iota Production

Mais cela reste un pre­mier film plu­tôt réus­si, por­té par son cas­ting et l’an­gois­sante ges­tion quo­ti­dienne de la folie et de ses conséquences.