Terminator
|de James Cameron, 1984, ****
C’est l’histoire de deux mecs baraqués, qui débarquent à poil dans des banlieues poisseuses de Los Angeles. Après avoir récupéré des vêtements, ils se mettent en quête d’une jeune femme, avec deux objectifs bien différents : l’un veut la tuer, l’autre la sauver.
Mais le truc marrant, c’est qu’en fait, c’est bien plus l’histoire d’une serveuse à la vie mornement merdique qui devient une héroïne. En effet, Sarah grandit, mûrit, mue même, de jeune femme craintive qui subit son quotidien en fuyarde décidée à sauver sa peau, avant de finir guerrière farouche. En comparaison, les deux mâles restent dans leur rôle d’un bout à l’autre, sans évoluer, sans changer, sans bouger d’un iota, avec leurs personnalités de la complexité d’un second rôle de Michael Bay.
Le casting est ainsi inversé : la tête d’affiche prononce en tout moins de vingt phrases et a toute l’expressivité d’un culturiste des années 1980. Son dauphin est un peu plus présent et atteint vaguement le niveau d’un militaire bien formaté, tandis que le troisième personnage, qui semble d’abord être l’alibi pour monter les deux autres, est la seule à avoir bénéficié d’un certain travail d’écriture et d’un semblant de personnalité.
Pour ce qui est de la forme, Terminator est avant tout un film noir, reprenant l’esthétique et la narration du genre. C’est certes aussi de la science-fiction, en particulier dans les quelques scènes post-apocalyptiques, mais un vrai auteur de SF se serait senti obligé de résoudre les quelques paradoxes temporels qui se baladent çà et là. Et ça n’est pas vraiment le film d’action que l’on pourrait croire : le budget limité a poussé le réalisateur à concentrer les scènes spectaculaire et à réduire les effets spéciaux. Oh, il y a bien des courses-poursuites, des explosions et des séquences en animation électronique, mais le film passe plus de temps à présenter ses personnages, à les regarder fuir ou douter de la santé mentale du héros, et à mener les flics en bourrique.
Il compte également beaucoup sur son montage, vif et nerveux, qui se pose parfois brièvement mais reste globalement mené sur un rythme allegro. Il dépasse d’ailleurs à peine les 1 h 40, ce qui même à l’époque n’était pas très long pour un film de science-fiction.
Film de genre(s) assez ordinaire sur le fond comme sur la forme, Terminator est très bien fait et parfaitement mené. Il doit énormément au look de son méchant et plus encore au caractère de son héroïne, qui efface sans pitié les héros annoncés. Il reste tout à fait entraînant et efficace et, du fait sans doute de son tournage relativement « low-cost » qui lui a évité des effets spéciaux datés, il a plutôt mieux vieilli que beaucoup de ses contemporains.