Aventure dans le grand nord

de William Wellman, 1953, ****

Ça se passe dans le nord du Québec, dans les années 40, une époque où tout ce coin de la pla­nète est mar­qué « ter­ra inco­gni­ta » sur les cartes. Un C‑47 est contraint à aller aux vaches quelque part, loin de sa route, et l’on suit paral­lè­le­ment les efforts de son équi­page pour sur­vivre et ceux de leurs cama­rades pour retrou­ver les naufragés.

Ce plan a été réalisé soixante ans avant que GoPro ne le mette à la mode. - capture du film
Ce plan a été réa­li­sé soixante ans avant que GoPro ne le mette à la mode. — cap­ture du film

Peut-on dire d’un film polaire qu’il est aride ? Oh, oui, allez, per­met­tons-nous. Parce que le point de vue du scé­na­riste, appa­rem­ment, c’est un truc du genre : « de l’é­mo­tion ? Pour quoi faire ? »

En fait, si, il y a de l’é­mo­tion, mais ces pilotes qui ont tous quelques cen­taines de mis­sions de guerre ne sont pas de grands expan­sifs. La tris­tesse, la peur, l’es­poir existent, mais on les devine à tra­vers les atti­tudes et les rares mots plus qu’on ne le constate dans des mimiques et des grands phrases. Cette sobrié­té géné­rale (seul Andy Devine a un per­son­nage plus à fleur de peau) fait en fait du bien : les gei­gnards hys­té­riques des films catas­trophes habi­tuels ont bien moins de chances de s’en tirer que des gens qui résistent et se mettent au bou­lot en ser­rant les dents, et l’é­qui­page de cette île dans le ciel (titre ori­gi­nal) est ain­si plus réa­liste que bien d’autres.

Fallait bien que quelqu'un aille accrocher l'antenne de la Gibson girl quelque part… - capture du film
Fallait bien que quel­qu’un aille accro­cher l’an­tenne de la Gibson girl quelque part… — cap­ture du film

C’est en fait un symp­tôme d’une obses­sion du film : son­ner vrai. Le givrage (une vraie ter­reur pour les pilotes du grand nord), les pro­jec­tions de glace des hélices sur le fuse­lage, le choix d’al­ler en terre incon­nue mais plate plu­tôt que de ris­quer de man­ger une mon­tagne, la façon dont le com­man­dant re-trime son avion à cabrer juste avant l’at­ter­ris­sage, la ges­tion du car­bu­rant par les dif­fé­rents avions, les efforts néces­saire pour faire fonc­tion­ner la « Gibson girl », les repé­rages au gonio et au sex­tant, le dilemme « cher­cher ailleurs puis­qu’on a rien vu ou retour­ner là où on a cho­pé un petit signal », tout colle parfaitement.

On essaie quel secteur demain ? Là, on a chopé un petit signal mais on n'a rien vu… - capture du film
On essaie quel sec­teur demain ? Là, on a cho­pé un petit signal mais on n’a rien vu… — cap­ture du film

Mieux : bien que l’au­teur ait pla­cé son his­toire dans le grand nord, il ne s’est pas sen­ti obli­gé de recou­rir à des arti­fices pour mettre son équi­page en dan­ger — pas d’ours, pas de loup, pas de lac gelé qui cède, pas d’a­va­lanche spec­ta­cu­laire, juste le froid, le froid qui fige défi­ni­ti­ve­ment l’a­vion, qui réduit la puis­sance des bat­te­ries et qui use les hommes patiemment.

En tout cas, les photographes se sont fait plaisir. - capture du film
En tout cas, les pho­to­graphes se sont fait plai­sir. — cap­ture du film

Ajoutons une pho­to et un mon­tage soi­gnés, et on com­prend que si ce film ne fait pas dans la psy­cho­lo­gie ou les per­son­nages très tra­vaillés (il est plus sobre, plus sérieux et moins grand public que Écrit dans le ciel, réa­li­sé l’an­née sui­vante par sen­si­ble­ment la même équipe), il est exac­te­ment fait pour les ama­teurs de sur­vi­vals réa­listes qui vont à l’essentiel.