Jet storm

de Cy Endfield, 1959, **

Dans mes explo­ra­tions des vieux films d’a­via­tion, voi­ci un ori­gi­nal. Sur le papier, Jet storm est un film-catas­trophe assez clas­sique : un avion, un pas­sa­ger qui a embar­qué une bombe, du sus­pense. Le cas­ting com­porte évi­dem­ment un jeune couple, une famille modèle, un vieux couple fati­gué, un indus­triel, une star­lette, bref, les élé­ments clas­siques du genre, et il y a bien enten­du une idylle entre un pilote et une hôtesse. Même en 1959, ça pou­vait paraître un peu facile et déjà-vu.

À peine lancé, le film regorge déjà de clichés éculés.
À peine lan­cé, le film regorge déjà de cli­chés éculés.

Mais en véri­té, Jet storm sort du lot sur un point : ce n’est pas un film-catas­trophe. Ni un film d’a­via­tion, d’ailleurs.

En fait, c’est un thril­ler en huis-clos.

Le pas­sa­ger sui­ci­daire veut faire péter l’a­vion pour tuer à coup sûr un autre pas­sa­ger, qui a écra­sé sa fille en voi­ture. Et le sujet du film, ce n’est pas la suite des évé­ne­ments qui per­met­tra d’é­chap­per à la bombe ; le scé­na­riste pré­fère s’in­té­res­ser aux réac­tions humaines dans cette situa­tion. Outre ceux qui pètent les plombs « oh là là on va tout mou­rir » et ceux qui gardent leur flegme bri­tan­nique intact, Endfield s’est sur­tout inté­res­sé aux stra­té­gies de sur­vie qu’é­la­borent les autres pas­sa­gers : des petits groupes se forment, selon les affi­ni­tés de cha­cun et leurs convic­tions sur la façon de trai­ter le poseur de bombe.

Monsieur, vous avez tué ma fille, alors je vais tuer tout le monde. Ça me paraît juste.
Monsieur, vous avez tué ma fille, alors je vais tuer tout le monde. Ça me paraît juste.

Il y a donc ceux qui veulent le rai­son­ner, dis­cu­ter avec lui, com­prendre ses moti­va­tions pour l’a­me­ner à renon­cer à son pro­jet ; ceux qui veulent lui faire avouer par la force et la tor­ture où est la bombe et com­ment la désa­mor­cer ; et ceux qui veulent tuer eux-mêmes le chauf­fard en espé­rant que cela détourne les moti­va­tions de l’as­sas­sin. En somme, les psys, les brutes et les collabos.

Si cette pré­sen­ta­tion un peu cynique de l’hu­ma­ni­té est inté­res­sante, la prin­ci­pale fai­blesse du film reste la naï­ve­té du pro­pos, le finale gen­ti­ment moral repo­sant sur l’in­no­cence enfan­tine tout ça tout ça. La réa­li­sa­tion manque éga­le­ment de classe et de nerf, et l’in­ter­pré­ta­tion est très variable — Attenborough s’en sort pas mal, le duo Thorndike-Secombe est excellent, mais la direc­tion géné­rale tient du théâtre fil­mé, arti­cu­lé, gran­di­lo­quent et arti­fi­ciel­le­ment servi.

Les deux meilleurs personnages du film — à fréquenter avec modération.
Les deux meilleurs per­son­nages du film — à fré­quen­ter avec modération.

Et pour ceux que l’a­via­tion inté­resse, c’est du grand n’im­porte quoi niveau pro­cé­dures, il suf­fit de regar­der les vues exté­rieures pour com­prendre que l’a­mé­na­ge­ment inté­rieur (avec un salon à l’é­tage) est impos­sible, la maquette des exté­rieurs « en vol » n’a qu’une vague res­sem­blance avec l’ap­pa­reil fil­mé au sol… Bref, si on prend en compte le fait que l’a­vion ne sert réel­le­ment que de décor et que l’a­via­tion ne doit inter­ve­nir que dans une dizaine de minutes du film, la quan­ti­té d’ab­sur­di­tés est fran­che­ment élevée.

Reste que les oppo­si­tions entre les groupes humains et les carac­tères de cha­cun sont inté­res­santes à obser­ver et que, dans l’en­semble, ce huis-clos se regarde sans ennui.