Merci patron !
|de François Ruffin, 2015, ***
LVMH, le symbole du luxe made in France. LVMH, qui ferme discrètement ses usines françaises. Et François Ruffin, fouteur de merde patenté, qui vient proposer aux salariés licenciés une solution originale pour se faire entendre : acheter des actions LVMH afin de pouvoir prendre la parole lors de l’assemblée générale de l’entreprise.
Bien sûr, ça ne se passe pas comme prévu, et au bout de plus d’un an d’aventures, Ruffin revient avec de quoi faire un petit documentaire de près d’une heure et demie montrant comment LVMH maintient une stricte séparation non seulement entre employés et direction, mais aussi entre petits et gros actionnaires, assurant constamment une protection du pouvoir contre la contestation. Et, surtout, il met en lumière la façon dont cette peur de la contestation se traduit par des opérations à la limite du barbouzage pour s’assurer du silence de ceux qui seraient tentés de contourner les barrières pour ouvrir tout de même leur gueule.
La grande astuce de la charge est évidemment qu’il s’agit en fait d’une démonstration par l’absurde : tout au long du film, Ruffin répète qu’il ne peut pas imaginer que Bernard Arnault soit un cynique milliardaire sans scrupule et prétend vouloir démontrer que c’est un type honorable qui n’est pas au courant de ce qui arrive à ses employés. Et puisqu’en une heure et demie, il est impossible de prouver cette assertion initiale, c’est qu’elle doit être fausse. C’est très bien mené et très efficace.
On n’en dira pas forcément autant du reste du film. La qualité d’image est banale, la prise de son de même, le montage souffre de quelques irrégularités et dans l’ensemble, le film rappelle un peu les premiers Michael Moore (on pense en particulier à Roger et moi, avec Bernard Arnault dans le rôle de la chaise vide).
Ceci n’est bien entendu pas une insulte : la démonstration est passionnante et le propos n’est nullement affaibli par la technique, mais Merci patron ! n’est pas un grand film, juste un documentaire engagé bien fait.