Le tout nouveau testament

de Jaco van Dormael, 2014, ****

Depuis tou­jours, la théo­lo­gie a un pro­blème : Dieu, dans l’Ancien tes­ta­ment, est une cre­vure sans pitié qui éra­dique des villes entières pour de vagues his­toires d’hos­pi­ta­li­té ; mais le Nouveau tes­ta­ment nous dit qu’il est un être de bon­té et de par­don qui prône l’a­mour. Dieu est-il schizophrène ?

Je suis Dieu. Ça te pose un problème ? photo Kris Dewitte
Je suis Dieu. Ça te pose un pro­blème ? pho­to Kris Dewitte

Le tout nou­veau tes­ta­ment résout sim­ple­ment ce dilemme : Dieu, le père, le créa­teur, est un type ordi­naire (bien tiens, il a fait l’homme à son image), rem­pli d’a­mer­tume et de misan­thro­pie, qui se venge sur ses créa­tures en leur pour­ris­sant la vie au quo­ti­dien. JC, le fils, le pro­phète, s’est comme beau­coup d’a­do­les­cents construit contre son père, et a fini par se bar­rer pour aller prê­cher exac­te­ment le contraire de ce que celui-ci fai­sait. Et à dix ans, la petite sœur de JC, Ea, com­mence à com­prendre pour­quoi il a mis les voiles et à vou­loir elle aus­si faire capo­ter le sadisme paternel.

À pre­mière vue, c’est une comé­die belge, avec de la pluie, de l’hu­mour noir, du blas­phème et Benoît Poelvoorde en vieux con iras­cible. Un hon­nête diver­tis­se­ment donc, quelques gags bien trou­vés et bien ser­vis, une gale­rie de por­traits au fil des ren­contres avec les nou­veaux apôtres, et des approxi­ma­tions scien­ti­fiques notables (à sup­po­ser qu’on soit pas bles­sé quand on prend une balle dans une pro­thèse, on doit quand même sen­tir l’im­pact) mais c’est cou­rant dans les his­toires de dieux.

Depuis tout petit, j'aime tuer. Maintenant qu'on sait tous quand on va mourir, je peux tirer tranquille : si je touche ma cible, c'est que c'était son heure. photo Le Pacte
Depuis tout petit, j’aime tuer. Maintenant qu’on sait tous quand on va mou­rir, je peux tirer tran­quille : si je touche ma cible, c’est que c’é­tait son heure. pho­to Le Pacte

Mais en creu­sant un peu, c’est un peu plus que ça. Les apôtres sont tous tristes d’une manière ou d’une autre, et on a vague­ment l’im­pres­sion que l’en­semble de l’hu­ma­ni­té vit la vie comme une puni­tion. On trouve même des aspects fran­che­ment pathé­tiques, comme l’ob­sé­dé qui, appre­nant sa mort pro­chaine, n’i­ma­gine pas de meilleure chose à faire que de cla­quer toute son épargne dans des peep-shows.

Ça n’est donc pas que la comé­die légère qu’il paraît et cer­tains pas­sages grattent un peu plus là où ça pique. Ça reste tou­jours bon enfant, mais ça n’ou­blie pas que dans l’hu­ma­ni­té, il y a aus­si des fai­blesses et des tra­gé­dies ; en cela, l’é­qui­libre final est bien meilleur que ce qu’on pou­vait craindre d’a­près la seule bande-annonce. Le résul­tat est un petit film fran­che­ment agréable.