Always

de Steven Spielberg, 1989, ***

Difficile dans le monde du ciné­ma d’être à la fois pas­sion­né d’a­via­tion (et plus par­ti­cu­liè­re­ment de bom­bar­diers d’eau) et aller­gique aux excès de gui­mauve. C’est un peu la morale que je tire de Always, l’un des très rares films trai­tant de pom­piers volants, qui doit prin­ci­pa­le­ment sa noto­rié­té au fait d’être un truc un peu à part dans l’œuvre de Spielberg.

Il y a, évi­dem­ment, une chose que Spielberg maî­trise : le rythme. Du coup, Always est comme tous ses films plu­tôt pre­nant, entraî­nant, et il est rare que l’on s’en­nuie devant une scène qu’on aurait bien cou­pée il y a dix minutes. L’idée de base est éga­le­ment bonne (bon, elle est pas de Spielberg, elle était déjà dans Un nom­mé Joe) et il y a matière à quelque chose d’in­té­res­sant dans les tiraille­ments du fan­tôme entre devoir, envie et renoncement.

Côté aérien, le film reprend typi­que­ment qua­li­tés et défauts habi­tuels, oscil­lant entre « j’ai envie de par­ler un peu du bou­lot de ces types-là » (lar­gages au retar­dant ou à l’eau, entraî­ne­ments…) et « faut quand même pas pas­ser à côté des cli­chés inévi­tables » (oh mon dieu va-t-il arri­ver à la piste, je pars mais non je reviens…).

Enfin, il y a cette double his­toire d’a­mour à la noix, Dreyfuss aime Hunter mais il est mort alors bon il doit renon­cer, Hunter aime Dreyfuss mais il est mort alors elle doit tour­ner la page, Gominé-dont-tout-le-monde-a-oublié-le-nom aime Hunter alors il fonce sans réflé­chir. C’est mar­rant, parce que je suis convain­cu qu’il y a quelque chose à faire avec cette his­toire, mais Spielberg s’est embour­bé dans sa réécri­ture et n’a pas réus­si à sor­tir du style nar­ra­tif des années 40 — ce qui est d’au­tant plus bizarre qu’il fut, avec Rencontres du troi­sième type en par­ti­cu­lier, un des pre­miers à adop­ter une nar­ra­tion vrai­ment moderne dans le ciné­ma amé­ri­cain. Du coup, c’est lourd, pesant, pré­vi­sible, et toutes les scènes où Dreyfuss hésite / Hunter hésite / Gominé fonce perdent tota­le­ment la finesse et la légè­re­té vague­ment humo­ris­tique des échanges Dreyfuss-Hunter à l’é­poque où il était vivant.

Le som­met du ridi­cule est évi­dem­ment atteint dans la der­nière scène, à la fois sur le plan tech­nique (si on prend de la vitesse avant un lar­gage, on vapo­rise le retar­dant et on sert à rien) et sur le plan psy­cho­lo­gique : Dreyfuss, qui vient de pas­ser tout le film à refu­ser avec la der­nière éner­gie que sa belle passe à autre chose, décide bru­ta­le­ment de la libé­rer juste là comme ça hop, la seule expli­ca­tion à ce revi­re­ment étant que le scé­na­riste ne savait pas com­ment ame­ner fine­ment son happy-end.

Finalement, dans les films qui m’ont mar­qué enfant, que je revois vingt ans après pour me rendre compte qu’ils mélangent action exci­tante et sen­ti­ments gui­mau­vi­neux, Le grand bleu s’en sort beau­coup mieux, la gui­mauve ayant un rôle pro­fond dans la psy­cho­lo­gie des per­son­nages — alors qu’i­ci, elle est au cœur de l’his­toire, mais n’ap­porte pas grand-chose sinon peut-être vous rap­pe­ler de sur­veiller votre glycémie.

PS : Gominé s’ap­pelle Brad Johnson. Always était son pre­mier rôle dans un grand film, on l’a vu une nou­velle fois en troi­sième rôle dans Le vol de l’Intruder, puis sa car­rière a été mar­quée par une tri­lo­gie de films chré­tiens, quelques suites igno­rées de films mécon­nus, un pilote de série télé qui n’a fina­le­ment pas été pro­duite, des épi­sodes ponc­tuels de séries, et le superbe direct-to-video Supergator. Avec des réfé­rences pareilles, je m’é­tonne qu’on ait pas rete­nu son nom.