Fighter

de David Russell, 2010, ****

En pre­mière approche, un film de boxe. Au deuxième niveau, un film sur la fidé­li­té fra­ter­nelle, l’a­mour enva­his­sant des groupes fami­liaux, l’op­po­si­tion entre belle-mère, demi-sœurs et bru. Au troi­sième étage, un film entre espoirs et réa­li­té, entre rêves et dés­illu­sions, entre échec et réussite.

Finalement, c’est donc plus com­plexe qu’un simple film de boxe. Heureusement d’ailleurs : même si l’on sent bien que cer­tains coups touchent bien là où ils doivent tou­cher, il faut bien dire qu’une des fai­blesses de Fighter, c’est l’ac­tion. C’est très bien réa­li­sé, fil­mé de près, effi­cace, et ça fait mal quand ça doit faire mal, mais voi­là : on ne peut plus fil­mer la boxe comme s’il n’y avait pas eu Ali, de Michael Mann. L’entraînement, le réa­lisme, le tra­vail des acteurs ne suf­fit plus, il faut aus­si une vraie maes­tria du côté de la réa­li­sa­tion. La camé­ra est bien sur le ring au ras des boxeurs, mais elle devrait être dans le combat.

Et comme la pho­to est assez ordi­naire et le mon­tage plu­tôt réus­si mais dans le genre trans­pa­rent, je me demande si David Russell ne serait pas plus un direc­teur d’ac­teurs qu’un vrai réa­li­sa­teur. Parce que la grande per­for­mance, elle est là : les acteurs ont fait une petite raz­zia sur les prix, avec notam­ment des Oscars pour Bale et Leo et une nomi­na­tion pour Adams (deux actrices du même film en concur­rence, c’est pas cou­rant), et vu comme les caté­go­ries acteurs étaient ver­rouillées cette année, ça en dit long sur le niveau de jeu. Melissa Leo tient un peu son rôle habi­tuel, le même que dans Frozen river, la mère impla­cable et déci­dée, et ça ne la met pas trop en valeur selon moi. Amy Adams fait d’ailleurs plus que lui tenir tête, comme son per­son­nage, c’est la bonne sur­prise du film. Mark Wahlberg est un vrai boxeur — il a d’ailleurs encore pris du muscle, ce qui n’é­tait pas gagné étant don­né son phy­sique de marine —, dans le geste sur le ring bien sûr, mais dans les atti­tudes, le phra­sé, l’in­tel­lect aussi…

Et Christian Bale… Ouahou. Christian Bale. Dix ans de plus que d’ha­bi­tude (Wahlberg, lui, a plu­tôt rajeu­ni pour inter­pré­ter un jeu­not de 31 ans), vingt kilos de moins, il n’a visi­ble­ment plus rien ingé­ré d’autre que du crack depuis des années. Shooté, déjan­té, décon­nec­té. Glaçant aus­si, par moments. Sublime.

Globalement, on a donc de très grandes per­for­mances d’ac­teurs, un vrai scé­na­rio pre­nant et inté­res­sant avec plu­sieurs niveaux de lec­ture, et c’est du côté de la réa­li­sa­tion que l’on pèche un peu et étant plus effi­cace que génial. Ça reste un excellent moment de ciné­ma, et on prend quelques beaux cro­chets, c’est juste dom­mage qu’on n’ait pas eu Aronofsky der­rière la camé­ra (il avait été pres­sen­ti pour tour­ner Fighter).