Sons of Anarchy

de Kurt Sutter, depuis 2008, ****

Un bicy­lindre en V à 45° qui fait un plop-plop irré­gu­lier, du chrome, une pein­ture agres­sive sur le réser­voir, un blou­son noir avec une tête de mort des­sus, beau­coup de tatouages et à peine moins d’ec­chy­moses, un fusil à pompe en ban­dou­lière : ça s’ap­pelle un « biker », en bon fran­çais. Et les bikers, c’est comme les loups : ça vit en meute.

Les Sons of Anarchy, c’est une de ces meutes (on appelle ça des clubs), basée en Californie, dans la ville de Charming. Leur acti­vi­té prin­ci­pale consiste à impor­ter et four­nir des armes, et ils le font dans une rela­tive trans­pa­rence : le chef du dépar­te­ment de police est ami d’en­fance de cer­tains membres et leur sait gré de pro­té­ger la ville des autres gangs.

Car les Sons ne se contentent pas d’a­voir une acti­vi­té illé­gale : ils la défendent, défendent les leurs et par­fois les vengent, quitte pour cela à mas­sa­crer de sang froid tout un groupe de dea­lers ou de concur­rents. Et si, dès le début, on sent Jax, vice-pré­sident du club et récent père, dou­ter et pous­ser le club vers une réduc­tion des acti­vi­tés vio­lentes et illé­gales, il n’est pas le der­nier à plan­ter un KA-BAR dans le ventre de quel­qu’un au besoin.

Sons of Anarchy est donc une série vio­lente, avec du sang et des tripes, et sou­vent immo­rale — pas seule­ment du fait des Sons, mais aus­si des gangs concur­rents, des flics et des hommes d’af­faires, sou­vent retors et prêts à toutes les com­pro­mis­sions. C’est aus­si, à la base, une série d’hommes, avec de nom­breux affron­te­ments hié­rar­chiques, notam­ment entre Jax et Clay, son beau-père pré­sident du club.

Néanmoins, on ne peut pas ne pas remar­quer l’im­por­tance crois­sante des per­son­nages fémi­nins. Presque acces­soires à pre­mière vue, les per­son­nages de Gemma (femme de Clay, mère de Jax, carac­té­rielle et mani­pu­la­trice) et Tara (inno­cente tou­bib dans un pre­mier temps, puis femme de Jax) prennent rapi­de­ment une place cen­trale et, d’une cer­taine manière, deviennent qua­si­ment les héros du film, celles qui décident en vrai de ce que les hommes croi­ront avoir choi­si. Et la Némésis de la série, June Stahl, agent de l’ATF (bureau fédé­ral des armes et explo­sifs), est retorse, bru­tale, cynique et sur­tout abso­lu­ment essen­tielle au script à tout moment. La troi­sième sai­son (et der­nière pour l’heure) est en outre l’oc­ca­sion de voir débar­quer de nou­velles têtes fémi­nines avec un vrai rôle, en par­ti­cu­lier en Irlande où les Sons auront maille à par­tir avec l’IRA véri­table. « Derrière chaque homme, il y a une femme » semble être le moto du scénariste.

Celui-ci doit éga­le­ment véné­rer les vieux polars à ficelles mul­tiples, tant il aime à mul­ti­plier les pistes et à relier les évé­ne­ments, à ajou­ter des dif­fi­cul­tés impré­vues ou à faire dou­ter ses per­son­nages. Si ce main­tien d’une ten­sion per­ma­nente peut paraître un peu arti­fi­ciel, cela donne au spec­ta­teur plein de trucs à rete­nir et plein de sus­pens à attendre entre deux épi­sodes. La troi­sième sai­son en par­ti­cu­lier, qui fait suite à une deuxième un peu molle, pro­fite d’une intrigue d’une com­plexi­té de feuille­to­niste avec rebon­dis­se­ments mul­tiples et quelques per­son­nages extrê­me­ment ambi­gus — elle va d’ailleurs pas remon­ter la cote de popu­la­ri­té des curés catho­liques — même si cer­tains retour­ne­ments de situa­tion sont un peu pressentis.

On note­ra enfin le soin appor­té aux seconds rôles, et une pho­to qui sort régu­liè­re­ment des stan­dards éta­blis en matière de séries amé­ri­caines pour pro­po­ser quelques vrais beaux plans.

Bref, faut par­fois avoir l’es­to­mac bien accro­ché, mais ça mérite d’être vu.