The killer inside me

de Michael Winterbottom, 2009, **

Propre, lisse, poli­cé, dis­crè­te­ment fian­cé, Lou est shé­rif adjoint dans une petite ville texane, sans doute vers la fin des années 50. Un lieu et une époque où nul ne plai­sante avec les notions de « decen­cy » (pudeur, décence, res­pec­ta­bi­li­té, un truc dans le genre) et de poli­tesse, et où débarque une jeune pros­ti­tuée agui­cheuse qui n’hé­site pas à gifler Lou quand il vient l’expulser.

Problème : Lou n’est pas qu’un flic, il est aus­si un connard cynique déci­dé à ven­ger son frère, qui trouve fort oppor­tun que son enne­mi soit amou­ra­ché des lèvres pul­peuses de la nou­velle arri­vante. « Il la tabasse à mort, elle le bute en se défen­dant », il suf­fit de bien pré­pa­rer la scène de crime pour que la ver­sion soit plau­sible et que le double meurtre soit clas­sé comme drame sen­ti­men­tal — à condi­tion bien sûr que ni la petite pute ni le gros con ne s’en sortent.

Le contraste entre Lou, shé­rif adjoint exem­plaire, et Lou, tueur sadique, est l’in­té­rêt prin­ci­pal du film. Heureusement, Casey Affleck est à la hau­teur, ajou­tant à ses deux visages un côté presque pué­ril, une voix fluette à l’ac­cent traî­nant du sud d’en­fant mal gran­di, et don­nant corps à un per­son­nage qui ne sait pas vrai­ment lui-même pour­quoi il fait ce qu’il fait.

Pour le reste, le film se remarque sur­tout par le dégom­mage que subit Jessica Alba, la fameuse pros­ti­tuée, dans une scène crue qui n’est pas sans rap­pe­ler quelques réfé­rences des vio­lences mas­cu­lines — sous-ter­rain du nul­lard Irréversible de Gaspard Noé, chambre du ter­rible Les hommes qui n’ai­maient pas les femmes de Niels Arden Oplev… En dehors de cette scène-choc, le film est essen­tiel­le­ment bon, bien joué, se veut un hom­mage au polar des années 50, mais souffre d’une mol­lesse cou­rante alors mais dépas­sée de nos jours. Toutes pro­por­tions gar­dées, ça fait le même effet que la sai­son 3 de Dexter : pen­dant, on s’en­nuie vague­ment sans vrai­ment en avoir marre, après, ça dis­pa­raît le temps d’un bat­te­ment de cils.