X‑Men : le commencement

de Matthew Vaughn, 2011, ****

De la seconde guerre mon­diale à la crise de Cuba, voi­ci l’his­toire des mutants avant qu’ils ne deviennent les X‑men. Charles, télé­pathe depuis le plus jeune âge, recueille Raven, jeune méta­morphe, dans sa demeure bour­geoise d’Angleterre, tan­dis que Erik apprend à la dure dans un camp de dépor­ta­tion nazi son pou­voir sur les métaux. De là naî­tra l’op­po­si­tion his­to­rique entre deux fac­tions : ceux qui consi­dèrent les humains comme des êtres sous-déve­lop­pés, faci­le­ment effrayés et donc dan­ge­reux, avec qui il faut com­po­ser dis­crè­te­ment, et ceux qui les regardent comme des sous-êtres voués à la dis­pa­ri­tion qu’il faut éra­di­quer. C’est la carte jouée par Shaw, ancien patron de camp de dépor­ta­tion, qui voue son exis­tence à l’ex­ter­mi­na­tion des gens sans pouvoirs.

Bon, dit comme ça, ça paraît aus­si bateau que les pré­cé­dents opus, gros block­bus­ters d’ac­tion blin­dés d’ef­fets spé­ciaux qui, mal­gré tout le res­pect que j’ai pour Bryan Singer¹, souf­fraient quand même d’un scé­na­rio d’une légè­re­té abys­sale que seul le sale carac­tère de Wolverine venait rele­ver un peu.

Mais Le com­men­ce­ment est bien meilleur. Pas que Matthew Vaughn ait fait un bou­lot extra­or­di­naire : on est loin de la réa­li­sa­tion flam­boyante de Kick-Ass, et Le com­men­ce­ment est un block­bus­ter plus ordi­naire, avec de la musique qu’on attend quand on l’at­tend, des retour­ne­ments qu’on sent venir quand on les sent venir, etc. C’est sans doute un peu obli­ga­toire pour main­te­nir un sem­blant de cohé­rence avec les épi­sodes « suivants ».

Le vrai inté­rêt de ce retour aux sources est le creu­se­ment psy­cho­lo­gique des per­son­nages, Charles et Erik bien sûr, mais aus­si Raven et Hank, pour qui non seule­ment les pou­voirs, mais l’ap­pa­rence même est un pro­blème. Au pas­sage, il faut noter des inter­pré­ta­tions tout à fait cor­rectes, avec peut-être une petite réserve pour McAvoy qui a ten­dance à en faire un poil trop — mais après tout, le per­son­nage de Charles se regarde beau­coup le nom­bril lui-même, donc c’est pas for­cé­ment très grave.

L’autre inté­rêt est la relec­ture d’un pan d’his­toire, la nais­sance de la crise des mis­siles de Cuba, sou­vent oubliée chez nous mais qui reste un trau­ma­tisme pour les amé­ri­cains qui l’ont connu — Kennedy et Khrouchtchev ont pas­sé quelques nuits la main au des­sus du bou­ton rouge en hési­tant sérieu­se­ment à appuyer des­sus. Qualité fon­da­men­tale du film : elle rap­pelle ce « détail » sou­vent oublié que l’ins­tal­la­tion de têtes nucléaires à Cuba par les sovié­tiques était une réponse à celle de mis­siles com­pa­rables en Turquie par l’OTAN.

Les maniaques dans mon genre s’é­ton­ne­ront tout de même de la pré­sence d’un appa­reil évi­dem­ment déri­vé du A‑12, lequel était pen­dant la crise de Cuba au début de son déve­lop­pe­ment et loin d’être uti­li­sable (Pratt&Whitney galé­rait à mettre au point les réac­teurs). Plus drôle, ses réac­teurs sont ali­men­tés par magie : la place des réser­voirs de car­bu­rant est prise par la soute… et on remar­que­ra que les tur­bines prin­ci­pales conti­nuent à souf­fler hori­zon­ta­le­ment pen­dant un vol sta­tion­naire, ce qui est contraire à toute logique.

Bref, Le com­men­ce­ment n’est pas un chef-d’œuvre abso­lu et est loin d’être inat­ta­quable, mais c’est le meilleur de la série X‑men, c’est une bonne dis­trac­tion à grand spec­tacle, et ça va un peu plus loin que le simple contrat ini­tial en remet­tant en pers­pec­tive des pans d’his­toire du ving­tième siècle.

Ah, et la brève appa­ri­tion de Wolverine vaut à elle seule d’al­ler voir le film, aussi.

¹ Pour The usual sus­pects, notam­ment.