Les Runaways

de Floria Sigismondi, 2009, ****

Honte à moi. Dans mes explo­ra­tions du rock’n’­roll sauce 70’s, j’a­vais tota­le­ment raté les Runaways, groupe fémi­nin for­mé en 75 et explo­sé en 78.

Faut dire que s’il est ten­tant pour un scé­na­riste d’ex­plo­rer un groupe connu (The Doors, coup de maître de Oliver Stone) ou d’en créer un pour revi­si­ter joyeu­se­ment l’his­toire du rock (Presque célèbres, bijou de Cameron Crowe), par­tir de l’au­to­bio­gra­phie de la chan­teuse d’un groupe éphé­mère pour revi­si­ter la face cachée du rock’n’­roll n’est pas un par­ti paris habituel.

Donc voi­là : les Runaways, his­toire d’un échec. Pas musi­cal — le groupe envoyait bien, avec un rock un peu hard qui n’est pas sans rap­pe­ler ce que fai­sait Deep Purple à la même époque (Smoke on the water est d’ailleurs cité dans le film) et qui tourne un peu au punk sur cer­tains mor­ceaux. Un échec carac­té­riel sans doute, avec trop d’e­gos de gamines (toutes nées en 58 ou 59, et donc âgées de moins de vingt ans… à la dis­so­lu­tion du groupe) pour un pro­duc­teur lui-même peut-être un peu trop stone. Scénario bien construit, mais qui pour­rait mieux détailler la fin du groupe et se centre trop sur Cherie Currie (pro­blème sans doute lié au fait que ce soit adap­té de son auto­bio­gra­phie), mon­tage ner­veux comme un riff de Jimmy Page, pho­to par­fois abso­lu­ment sublime — la séquence où Joan déprime toute seule, en vieux film à gros grain, est une sacrée œuvre de pho­to­graphe —, le film est une réus­site dotée en prime d’une bande-son à toute épreuve.

Au pas­sage, Les Runaways est un film de cas­sage d’i­mage. Dakota Fanning quitte ses rôles d’en­fant du fan­tas­tique (Disparition, série télé de Leslie Boham, Push de McGuigan ou La guerre des mondes de Spielberg, je vous épargne la réfé­rence à Twilight) pour mettre les pieds dans la véri­té sor­dide de notre monde réel. Pas par­faite en rockeuse — et notam­ment voca­le­ment à la traîne par rap­port à Cherie Currie —, elle livre tou­te­fois une pres­ta­tion solide en ado pau­mée qui pour­rait mar­quer le début de sa car­rière adulte.

Plus remar­quable, Kristen Stewart (« hiii, c’est pas Kristen Stewart ? — Si, c’est elle, main­te­nant la ferme, le film com­mence… » — j’ai hélas seule­ment rêvé de répondre cette deuxième phrase), essen­tiel­le­ment connue pour être l’é­thé­rée et insi­gni­fiante Bella de la série Twilight, prend ici un rôle aus­si dia­mé­tra­le­ment oppo­sé que pos­sible à celui qui l’a fait connaître. Trash, vis­cé­ra­le­ment tor­tu­rée, brû­lant de l’in­té­rieur pour reprendre une expres­sion toute faite, sa Joan Jett res­semble à s’y méprendre à l’o­ri­gi­nale et sur­tout à une vraie punk. Sombre, mal dans sa peau, misant tout sur un groupe qui ne tient qu’à un fil, per­due quand les signes d’ef­fon­dre­ment s’ap­prochent… Et fina­le­ment on ne peut s’empêcher de pen­ser que pour peu que ce per­son­nage ait un lien avec la réa­li­té (ce qui est plau­sible, Joan Jett ayant « coa­ché » Stewart sur le tour­nage), l’é­chec des Runaways pour­rait en fait avoir été un élé­ment fon­da­teur du suc­cès des Blackhearts. Curieusement, bien que le film soit cen­tré sur Cherie, c’est Joan qui lui vole le pre­mier rôle sans contes­ta­tion pos­sible — et quand on dira que Kristen Stewart peut jouer autre chose que des miè­vre­ries, il sera là aus­si dif­fi­cile de dire le contraire…