BlacKkKlansman
|de Spike Lee, 2018, ****
En 1979, Ron Stallworth, policier de Colorado Springs, passe un coup de fil : il vient de voir une annonce dans le journal cherchant des membres pour lancer une branche locale du Ku Klux Klan. Il est intéressé : comme il le dit à son interlocuteur, il déteste les Noirs, les Juifs, les Mexicains et les Asiatiques.
Évidemment, il y a un piège : Stallworth est un bon flic, habitué à infiltrer les groupes politiques, et très intéressé par la possibilité d’enquêter de l’intérieur sur le Klan. Accessoirement, il est aussi noir lui-même, ce qui ne pose pas de problème au téléphone mais va rendre plus délicates les rencontres face à face…
Voici donc un film sur l’histoire de Ron Stallworth. Ou, plutôt, l’histoire d’un Ron Stallworth — avec une échelle de temps beaucoup plus courte et plein de morceaux réécrits, modifiés et travaillés. D’ailleurs, au moins une des personnages principaux n’a jamais existé, mais elle est très utile pour souligner la difficile position de Stallworth, victime de racisme au sein même de son bureau, utilisé de longue date pour enquêter à l’intérieur des mouvements pour les droits civiques, et haï en tant que « poulet » par ceux qui subissent les mêmes injures que lui.
Du coup, plus qu’un portrait honnête de Ron Stallworth et de son infiltration du KKK, c’est un portrait honnête de son époque que brosse Spike Lee.
Le résultat est étonnamment équilibré : tragique, épique, drôle, ridicule, politique, BlacKkKlansman refuse largement de juger ses personnages — même les salopards racistes du Klan, qui sont plus des gros cons pathétiques ordinaires que de véritables méchants de cinéma. Du coup, il pousse plutôt à penser aux motivations et aux convictions de chacun, et à réfléchir à ses propres idées et réflexes de pensée. Cela n’interdit toutefois pas d’épingler bien des comportements, du flic ordinairement raciste aux Black Panthers les plus radicaux qui appellent à l’insurrection armée. La tonalité globale reste tout de même plutôt légère et ce n’est que dans l’épilogue que Spike Lee passe plus brutalement à l’offensive : si certains détails de l’histoire du KKK se prêtent à faire un polar tragi-comique, rappelez-vous que cette idéologie tue encore aujourd’hui.
Pas forcément bouleversant de bout en bout, BlacKkKlansman est donc un film solide, prenant et agréable, qui peut même pousser à réfléchir un peu.