Ni le ciel ni la terre
|de Clément Cogitore, 2015, ****
Ça commence comme un film de guerre, avec un groupe de militaires français chargé de surveiller une vallée à la frontière afghano-pakistanaise. Puis ça tourne au policier : deux soldats ont disparu, il faut donc trouver quel chef local a pu les enlever et ce qu’il veut. Enfin, ça lorgne sur le fantastique quand il s’avère non seulement que les locaux n’ont enlevé personne, mais qu’ils ont eux aussi perdu des hommes…
Sans être irréprochable, le film fait un certain effort pour rester crédible sur le plan technique : le matériel utilisé a les mêmes limites que le vrai, les décors et la photo font réels. L’ambiance de la première partie, un long guet façon Désert des Tartares (qu’il faudra que je lise un jour d’ailleurs) entrecoupé d’anicroches sans importance et de discussions avec la population locale, mêle efficacement tension et routine blasée, sans tape-à-l’œil ni surenchère spectaculaire.
L’axe fantastique qui se développe ensuite permet d’accroître la tension entre le capitaine et ses hommes, usés par une longue et morne présence sur le terrain, l’envie de rentrer à la maison et l’angoisse des camarades disparus. On glisse doucement vers la folie furieuse au fur et à mesure que le mystère s’épaissit et que les relations entre autochtones et militaires se compliquent, tout en conservant quelques éléments presque comiques disséminés çà et là pour donner un rythme.
Le résultat est un film fantastique aride, qui laisse beaucoup de choses en suspens mais se concentre sur ses personnages — peu causants, durs et fermés, comme le fera remarquer l’aumônier envoyé par la hiérarchie — pour creuser la perte des repères et des certitudes face à la réalité. Finalement, c’est un peu une parabole sur l’histoire classique du soldat qui part au front en surhomme vainqueur et en revient seul et désabusé ; mais cela parle aussi du fait qu’un soldat qui dort est un soldat mort, et que celui qui le tue n’est pas toujours l’ennemi désigné. La fin est un peu brutale, mais l’ensemble est franchement prenant et réussi.