Air America
|WTF de Philippe DeGuere, 1998
Petites annonces :
Tu fais 1,90 m, tu te prends pour un beau brun ténébreux, tu as une ceinture jaune de capoeira, tu sais faire le beau gosse en regardant en l’air avec un carnet sur les genoux ? Viens tenir le rôle principal de notre prochaine série télévisée.
Tu fais 1,85 m, tu as une tête de crétin, tu pousses 90 kg au développé-couché et tu peux lever ton pied vingt centimètres plus haut que ta tête en lançant des vannes vaseuses ? Nous cherchons un side-kick pour notre héros ténébreux.
Tu fais 1,80 m, tu as l’air hautain et coincé, tu sais conduire une Porsche en talons hauts et tu as les seins qui pointent quand tu mets un haut moulant ? Deviens l’amie/copine/chieuse d’un bel aviateur télévisé.
Tu fais 1,70 m, tu sais parler français avec accent et servir des verres en bikini, et le producteur aime que tu serves des verres en bikini parce qu’il aime les bonnets D ? Tu peux incarner la serveuse de l’hôtel qui nous servira de plaque tournante.
Tu as appris l’art du scénario en rejouant L’agence tous risques avec tes Playmobil, tu sais écrire des dialogues avec la finesse de Jean-Claude Van Damme et tu as appris la psychologie en lisant Pif gadget ? Deviens l’auteur d’une nouvelle série d’action !
Tu n’as jamais compris la différence entre un Cessna et un Boeing, tu as appris à reconnaître les avions dans les premiers Tintin (ceux d’avant l’embauche de Roger Leloup) et tu as trop joué avec des GI Joe quand tu étais petit ? Nous cherchons un conseiller technique pour les scènes aériennes et militaires !
Tu sais entasser les rushes sur la timeline d’un banc de montage, tu n’as aucune notion d’étalonnage et tu n’as pas honte d’utiliser le même plan coupe deux fois à deux minutes d’intervalle ? Tu es le monteur que nous cherchons.
Tu trouves que sur la côte pacifique de l’Amérique latine, c’est normal que la mer soit à l’est de la terre ? Parfait, dessine les cartes d’un pays imaginaire pour la télévision américaine.
Voilà comment naquit Air America, série conçue, écrite, filmée et jouée n’importe comment, où même les plans humoristiques sont tellement mauvais qu’on a du mal à les distinguer des séquences sérieuses, où ça n’étonne personne qu’un avion à aile haute se transforme en avion à aile basse dans la scène suivante, et qui du coup devient une réserve inépuisable de « noooooon, ils ont pas osé ? » qui vous fera passer dix-neuf heures de barres de rires ou de honte par procuration.