Patema et le monde inversé
|de Yasuhiro Yoshiura, 2013, ****
Imaginez un monde où une partie de la matière, du jour au lendemain, serait devenue réfractaire à la gravité, projetant dans l’éther une large partie de la population et des bâtiments. Un monde dont la surface est occupée par ceux qui ont conservé la gravité normale, et ont fondé une société religieuse totalitaire sur l’idée que ceux qui ont été éjectés vers les cieux étaient des pécheurs qui le méritaient bien ; un monde dont les entrailles sont occupées par une population inversée, vivant dans des tunnels, les pieds vers la surface.
C’est le postulat de base de Patema et le monde inversé, où une souterraine se retrouve accidentellement suspendue à la surface, prête à tomber dans le ciel, et ne doit sa survie qu’à un terrestre plus lourd qu’elle qui l’attrape et la retient au sol.
Au fond, c’est donc la classique histoire de la rencontre impromptue de deux mondes incompatibles et des deux personnes qui vont faire le lien.
Mais sur le plan formel, cette inversion des polarités physiques offre une très belle opportunité tant au scénariste qu’au réalisateur (ça tombe bien, c’est le même). Le ciel, par exemple, est un rêve poétique pour Age, un terrifiant abîme sans fond pour Patema : comment faire comprendre à l’autre la sensation qu’il provoque ? Pourquoi un dôme de verre peut-il être la pire torture imaginable ? Et comment utiliser cette anomalie gravitationnelle pour explorer le monde ?
Et comme, quoique laisse penser le titre, les deux protagonistes sont traités à relative égalité, la caméra se balade d’un sens à l’autre, joue avec les deux sens de la verticale pour faire partager les sensations des protagonistes. Ciel et sol échangent donc leurs places au fil d’un ballet désorientant mais virtuose, selon le point de vue et les sensations du moment.
L’ensemble est très bien réalisé et follement poétique, touchant et amusant, au point d’arriver à réinventer le classique des amants maudits pour en faire une sorte de rêverie originale. Bref, un vrai petit bijou.