What happened to Monday?¹

de Tommy Wirkola, 2017, ***

Dans un monde où les nais­sances sont stric­te­ment limi­tées, une jeune femme meurt en couches en lais­sant pas moins de sept bébés. Le grand-père n’ar­rive pas à se résoudre à en choi­sir une : il décide que « Karen Settman », son unique petite-fille légale, sera un com­po­site inter­pré­té à tour de rôle par cha­cune des sept jumelles. Dans le pri­vé, il les appelle cha­cune du jour où elle pour­ra sor­tir et être Karen en public ; chaque soir, cha­cune raconte ce qu’elle a fait à ses sœurs, chaque cica­trice petite ou grosse est répli­quée sur les six autres, et cela fonc­tionne assez bien. Jusqu’à ce soir où, après une jour­née de bureau qui s’an­non­çait ordi­naire, Lundi ne rentre pas : com­ment Mardi peut-elle sor­tir le len­de­main, sans savoir de quoi sa sœur a par­lé avec ses col­lègues, sans savoir à quelle heure elle a dis­pa­ru, sans savoir avec qui elle était ?

Bon, Lundi, demain tu rentres à l’é­cole. Tu notes tout ce que tu fais, tous ceux à qui tu parles, tout ce que tu dis : demain, Mardi doit pou­voir être toi. — pho­to SND

L’enfant caché est un grand clas­sique de la science-fic­tion, depuis ce bon vieux Moïse nour­ri pen­dant trois mois avant d’être lâché sur le Nil jus­qu’à cette brave Octavia enfer­mée quinze ans sous le plan­cher de sa sta­tion spa­tiale. Six enfants cachés, dans une socié­té qui lorgne ouver­te­ment sur 1984, ça peut paraître pas du tout cré­dible. Le film repose donc inté­gra­le­ment sur un pos­tu­lat de col­la­bo­ra­tion du spec­ta­teur : « je te montre une his­toire sym­pa, tu m’embêtes pas avec sa vrai­sem­blance ». (Note : j’au­rais peut-être pu voir Dunkerque sans vomir si Nolan avait tenu ce dis­cours là, au lieu de dire qu’il allait pré­sen­ter un évé­ne­ment historique.)

Si on adhère à ce pos­tu­lat, What hap­pe­ned to Monday ? s’a­vère un petit thril­ler hon­nête, plu­tôt bien mené et for­te­ment inter­pré­té. La com­pa­rai­son entre Noomi Rapace et Tatiana Maslany est inévi­table à pre­mière vue, mais for­cé­ment injuste : la Suédoise joue sept sœurs vivant ensemble et habi­tuées dès leur enfance à endos­ser un rôle com­mun. Seuls leurs carac­tères domes­tiques varient donc ; elles ont natu­rel­le­ment le même accent, la même culture et la même vie, même si elles ont des goûts dif­fé­rents, des com­pé­tences légè­re­ment diverses, même si Vendredi est plus aven­tu­rière et ath­lé­tique que Jeudi. Je pré­cise ça parce que fina­le­ment, je m’at­ten­dais à une pres­ta­tion éblouis­sante, et je suis presque déçu d’a­voir vu une bonne actrice jouant sept per­son­nages, qui ont juste la par­ti­cu­la­ri­té d’être réunis dans le même film — rien à voir fina­le­ment avec Maslany, qui chan­geait d’ac­cent, de phra­sé, d’in­to­na­tion selon la sœur du moment.

La clas­sique scène du « il s’est pas­sé quoi, c’é­taient qui ces types ? », avec la même actrice dans tous les rôles. — pho­to SND

Finalement, c’est bien plus par la construc­tion du scé­na­rio que le film attrape son spec­ta­teur : sans mul­ti­plier arbi­trai­re­ment les fausses pistes, il pro­pose suf­fi­sam­ment de zones d’ombres pour que son sus­pense fonc­tionne jus­qu’au bout, les allers-et-retours entre la semaine où tout bas­cule et l’en­fance des héroïnes apportent effi­ca­ce­ment un sem­blant de pro­fon­deur, et si l’é­mo­tion manque par­fois un peu, cela reste un thril­ler d’ac­tion effi­cace mené tam­bour bat­tant. En somme, un bon moment assu­ré pour les ama­teurs du genre, mais pas le coup de cœur que l’af­fiche pou­vait lais­ser espérer.

¹ Un jour, je com­pren­drai pour­quoi ce mignon titre anglais a été rem­pla­cé dans la dis­tri­bu­tion fran­çaise par un ignoble « Seven sisters ».

Non, je plaisante.

Si un jour j’ar­rive à com­prendre un truc pareil, abattez-moi.