Manchester by the sea

de Kenneth Lonergan, 2016, ****

On ne peut pas dire que Lonergan soit un réa­li­sa­teur pro­li­fique : son pre­mier film, Tu peux comp­ter sur moi, est sor­ti en 2000, et Manchester by the sea est son troi­sième. Et, comme le pré­cé­dent, il se centre sur le retour en famille de celui qui avait fui : Lee, par­ti à Quincy après un drame per­son­nel, est contraint de reve­nir à Manchester-by-the-Sea, petite ville où il a pas­sé l’es­sen­tiel de sa vie, pour s’oc­cu­per de son neveu désor­mais orphelin.

J'aime pas les gens. Vraiment pas. - photo Claire Folger / Amazon Studios
J’aime pas les gens. Vraiment pas. — pho­to Claire Folger / Amazon Studios

La suite n’a rien de remar­quable, et c’est cela qui est remar­quable. C’est un enchaî­ne­ment logique de devoirs, de décep­tions, d’es­poirs, de rares fous rires et de longues déprimes, entre un oncle pié­gé dans une ville qui lui rap­pelle trop de sou­ve­nirs pour qu’il la sup­porte et un neveu qui sur­vit à son père et veut conti­nuer à construire ici. Pour entou­rer ces gens qui se débattent avec leurs vies, les amis du défunt, l’ex-femme de l’oncle, les copines du neveu, les employeurs poten­tiels — parce qu’il faut bien gagner sa croûte mal­gré tout — viennent tour à tour sou­te­nir, détruire ou per­cu­ter les « héros ».

Vaguement dépri­mant mais très tou­chant, le film repose sur une réa­li­sa­tion sobre qui colle bien à son envi­ron­ne­ment et à ses per­son­nages, un rythme géné­ra­le­ment lent qui laisse le temps aux atti­tudes de se déve­lop­per, et sur un cas­ting aux petits oignons : Casey Affleck et son phra­sé déli­cat sont tou­jours impec­cables pour jouer un mutique misan­thrope, Lucas Hedges n’en fait pas trop pour incar­ner son ado­les­cent bla­sé et un peu éner­vé, et les deux scènes où Michelle Williams appa­raît suf­fisent à en faire un pivot essen­tiel du scénario.

Faites pas gaffe, je fais que pas­ser… Comment ça, tout le monde m’a vue ? — pho­to Claire Folger

Émouvant sans géné­ra­le­ment for­cer ses effets, cohé­rent jus­qu’à un finale rési­gné qui boucle logi­que­ment la boucle, déli­ca­te­ment inter­pré­té et soi­gneu­se­ment écrit, Manchester by the sea peut pas­ser pour un mélo ordi­naire, mais c’est un excellent mélo, pro­fon­dé­ment humain, qui dépasse lar­ge­ment les stan­dards du genre.