Knight of cups

mas­tur­ba­tion tris­te­ment exé­cu­tée de Terrence Malick, 2015

« J’avais envie de par­ler d’un type pau­mé par la qua­ran­taine, qui hési­te­rait entre liai­sons sérieuses et coups d’un soir, ne sau­rait pas quoi faire de sa vie et aurait per­du tout but. Mais je suis moi-même un type pau­mé par la sep­tan­taine, je ne sais plus quoi faire de ma vie et j’erre sans but ; alors j’ai trou­vé que trier, mettre des idées à plat, choi­sir, essayer de faire un tout cohé­rent, ça me fati­gue­rait pour rien. Après tout, la meilleure façon de mon­trer la décon­nexion, c’est de ne même pas essayer de connec­ter les scènes, n’est-ce pas ?

C'est triste de pas avoir d'enfants. photo StudioCanal
C’est triste de pas avoir d’en­fants. pho­to StudioCanal

« Alors voi­là, j’ai empi­lé tout ce que j’a­vais envie de fil­mer. J’ai pris des filles en culotte dans un hôtel, j’ai orga­ni­sé une grosse fête avec mes potes d’Hollywood dans une vil­la, j’ai emme­né Chris et Nat sur une jetée à la mer, j’ai emme­né Chris et Cate sur une plage. J’étais un peu débous­so­lé par la spec­ta­cu­laire sté­ri­li­té de mes idées, alors j’ai déci­dé de jouer là-des­sus : j’ai deman­dé à Cate de dire que c’é­tait triste de pas avoir d’en­fants, j’ai deman­dé à Nat de dire que c’é­tait triste d’être enceinte, j’ai deman­dé à Chris de faire comme s’il n’en avait rien à foutre. La sté­ri­li­té et la fécon­di­té ren­voyées dos à dos, j’é­tais sûr que ça ferait un car­ton chez la critique.

C'est triste d'être enceinte. photo StudioCanal
C’est triste d’être enceinte. pho­to StudioCanal

« À par­tir de là, j’a­vais quatre heures de rushes sans queue ni tête, j’ai dit à Geoff de trier par second rôle, c’é­tait plus simple. Je savais tou­jours pas ce que je vou­lais dire, alors une nuit d’in­som­nie j’ai ren­tré “where am I going?” dans Google, j’ai noté toutes les phrases qui sor­taient sur les cin­quante pre­mières pages de résul­tats. J’ai viré les paroles de Barbara Streisand, j’ai fait lire le reste par les seconds rôles, au hasard. Geoff a rajou­té ça sur les rushes, ça a bien mas­qué le fait que j’a­vais oublié d’é­crire des dia­logues et que per­sonne n’a­vait spon­ta­né­ment dit quoi que ce soit d’intéressant.

C'est triste de faire un film quand on a rien à dire. photo StudioCanal
C’est triste de faire un film quand on a rien à dire. pho­to StudioCanal

« Il me res­tait plus qu’à trou­ver un autre arti­fice pour finir de blou­ser la cri­tique. Je me suis sou­ve­nu que quand on tour­nait une scène où il n’y avait rien d’in­té­res­sant, entre deux prises, pen­dant que les méde­cins réani­maient l’é­quipe tech­nique, Antonio jouait à la bris­ca avec son neveu. Et une fois, le gosse avait gagné la par­tie en beu­glant “y cabal­lo de copas, ¡en tu culo, tío!” Je me suis dit que ça ferait un bon titre, et que si je fou­tais des cartes un peu au hasard du film quand on change de second rôle, tout le monde y ver­rait une sym­bo­lique super forte.

C'est triste d'aimer autant la masturbation. capture d'écran Allociné
C’est triste d’ai­mer autant la mas­tur­ba­tion. cap­ture d’é­cran Allociné

« Bon, ça n’a qu’à moi­tié mar­ché, quand on vend trop de vent ça finit par­fois par se voir. Mais avec ces cons de jour­na­listes fran­çais, tou­jours fiers d’être plus intel­li­gents que tout le monde et de com­prendre des choses où il n’y a rien à com­prendre, j’ai eu des super notes chez tous ceux qui comptent. Le bouche-à-oreille devrait se char­ger de vider les salles au bout de trois jours, mais en atten­dant, la thune rentre. »

Voilà ce que m’a décla­ré Terrence Malick quand je l’ai contac­té par télé­pa­thie tout à l’heure. En revanche, quand je lui ai deman­dé com­ment, en s’en­tou­rant d’au­tant de talents, il avait réus­si à pondre une bouse pareille, il est pas­sé sous un tunnel.