Django unchained

de Quentin Tarantino, 2012, ****

Alors qu’il fout du spa­ghet­ti dans ses polars, dans ses films de kung-fu et dans ses films de guerre, il aura donc fal­lu appro­cher la cin­quan­taine pour que Quentin se décide à s’at­ta­quer à l’un des genres emblé­ma­tiques du ciné­ma ita­lo-amé­ri­cain : le western.

Il a pour­tant fait les choses dans les règles. On a pour com­men­cer une pho­to sublime (ce qui n’é­ton­ne­ra per­sonne : Tarantino a tou­jours soi­gné ses plans et sur ce coup, il a fait appel à Robert Richardson, qui a pho­to­gra­phié Shutter island, Kill Bill, L’homme qui mur­mu­rait à l’o­reille des che­vaux ou encore Né un 4 juillet, autant de films dont on peut dire beau­coup de choses, mais pas qu’ils ont une pho­to de merde) et de belles séries de gros plans sur les yeux à la Sergio Leone ; le mon­tage est sans temps mort, mais sans sur­ex­ci­ta­tion, sachant prendre son temps ou pas­ser la sur-mul­ti­pliée aux bons moments ; le cas­ting est excellent, avec un Waltz tou­jours faus­se­ment déta­ché et sur le fil entre bour­ri­nage et élé­gance folle, un Foxx téné­breux à sou­hait, un DiCaprio déli­cieu­se­ment détes­table et un Jackson mécon­nais­sable et superbe. Et la bande-son est d’au­tant plus irré­pro­chable qu’elle ne manque pas d’Ennio Morricone (et d’un thème qui aurait pu être de lui), mais pioche tout autant du côté du blues et de la coun­try — et même un peu de rap, de clas­sique et d’autres choses.

Django unchai­ned n’at­teint pour­tant pas, selon moi, les som­mets de Inglourious bas­terds. Même s’il est extrê­me­ment sym­pa­thique de voir Quentin s’en prendre à l’es­cla­vage après s’être far­ci le nazisme, et confron­ter la vieille Europe à la terre des liber­tés (enfin, liber­tés des Blancs), son nou­vel opus est peut-être plus près de la réa­li­té, moins jouis­sif, moins fan­tas­ma­tique. Et quelque part, ça va un peu moins loin (mais en même temps, on peut pas tous les jours pous­ser les choses aus­si loin que la scène du cinéma…).

Bon, ça reste quand même très très loin du docu­men­taire et l’on recon­naît tota­le­ment le style du maître, nour­ri des styles de ses maîtres ; Django unchai­ned, c’est un peu comme si le type qui a pon­du Inglourious bas­terds avait déci­dé de faire le fils natu­rel de Il était une fois dans l’Ouest et Impitoyable.

C’est donc tout à fait excellent, mais c’est tout le pro­blème de Quentin : à force de faire des trucs abso­lu­ment géniaux, on est presque déçu le jour où il fait de l’excellent.