The hunt

de Craig Zobel, 2020, ****

Ils sont douze. Douze Américains qui se réveillent dans une forêt, un temps indé­ter­mi­né après avoir bu une bière ou dîné en ville comme d’ha­bi­tude, cha­cun dans son coin des États-Unis. En explo­rant les envi­rons, ils trouvent une caisse pleine d’armes — de quoi assu­rer leur sécu­ri­té, quoi qu’il arrive. Mais voi­là que, sitôt tout le monde équi­pé, ils se font tirer dessus…

Justin Hartley à côté de la caisse d'armes
Vous inquié­tez pas, made­moi­selle, je suis un héros, je vais tous nous sau­ver ! — pho­to Universal Pictures

Disons-le tout net : il existe des films plus sub­tils. Il en existe aus­si de plus clas­sieux, de plus élé­gants, de plus sym­bo­liques. Oh, et de mieux dou­blés, aus­si (mais un jour mon CGR décou­vri­ra les plai­sirs de la VO). Mais la sub­ti­li­té, l’é­lé­gance et le sym­bo­lisme ne sont pas les buts de The hunt, qui est plu­tôt adepte du coup de boule facial. Son pré­sup­po­sé est simple : et si les fan­tasmes conspi­ra­tion­nistes sur Internet, ceux où les « élites » font subir toutes sortes de choses aux « vraies gens », étaient vrais ? Et si la bour­geoi­sie édu­quée et bien-pen­sante se ser­vait de péque­nots racistes et fana­tiques de la gâchette comme gibier ?

Ne deman­dez pas à ses scé­na­ristes de choi­sir. Leur truc, c’est le sur­réa­lisme : ils ont tra­vaillé sur des petites choses comme Maniac, The lef­to­vers ou Cowboys & enva­his­seurs. Du coup, ne cher­chez pas de brû­lot poli­tique concret : les red­necks de droite et les snobs de gauche sont soi­gneu­se­ment ren­voyés dos à dos, le mépris des uns répon­dant à celui des autres, la conne­rie des uns équi­li­brant l’ar­ro­gance des autres.

Ça donne une grande liber­té aux auteurs : fran­che­ment, même les héroïnes, elles pour­raient cre­ver sans heur­ter la logique du film. D’ailleurs, ça arrive par­fois : cer­tains per­son­nages pré­sen­tés comme des héros sont appe­lés à dis­pa­raître sans pré­ve­nir, les scé­na­ristes s’of­frant un pur jeu de mas­sacre vachard, impré­vi­sible et impi­toyable. Ça va du pur gag (la gre­nade dans le pan­ta­lon, une valeur sûre) au sla­sher dégou­li­nant, dans une ambiance inter­mé­diaire entre God bless America, Predators et Revenge. Il y a bien quelques mes­sages poli­tiques, concer­nant la para­noïa anti-immi­gra­tion ou le com­plo­tisme par exemple, mais ils sont lar­ge­ment détour­nés au pro­fit des mille et une façons de tuer quel­qu’un dans la joie et la bonne humeur. Le seul vrai mes­sage, fina­le­ment, serait de ne pas sous-esti­mer les femmes : qu’elles soient PDG car­rié­riste se dépla­çant en jet pri­vé ou ancienne sol­date deve­nue cais­sière chez un loueur de voi­tures, elles savent prendre les coups — et les rendre.

Betty Gilpin et son fusil
Sérieux, vous avez cru que parce que j’é­tais une blonde à gros seins, j’au­rais besoin d’un héros ? — pho­to Universal Pictures

En somme, que vous soyez mili­ta­riste auto­ri­ta­riste, sur­vi­va­liste liber­ta­rien, décli­niste inclu­sif, pro­gres­siste fémi­niste ou juste misan­thrope ordi­naire, si vous aimez les films rentre-dedans dépour­vus de scru­pules et de foi en l’hu­ma­ni­té, vous pour­riez pas­ser un très bon moment.