Le solitaire

de Michael Mann, 1981, ****

Il y a des fois, il est très inté­res­sant de se pen­cher sur une œuvre de jeu­nesse d’un grand réa­li­sa­teur, pour voir naître les germes encore tendres de ses chefs-d’œuvre futurs. C’est le cas lors­qu’on mate Le soli­taire, deuxième film de Michael Mann (et pre­mier sor­ti en salles, qu’on évi­te­ra de confondre avec le polar homo­nyme de Jacques Deray), qui conte l’his­toire d’un voleur récem­ment sor­ti de pri­son, qui veut faire un der­nier gros coup et prendre sa retraite avec sa copine, mais doit pour cela navi­guer dans les eaux troubles d’une mafia qui n’a pas l’in­ten­tion de se pas­ser de ses talents.

Premier film aussi pour le directeur de la photographie Donald Thoran, qui n'en a pas refait un aussi beau depuis. - photo Metro-Goldwin-Mayer
Premier film aus­si pour le direc­teur de la pho­to­gra­phie Donald Thoran, qui n’en a pas refait un aus­si beau depuis. — pho­to Metro-Goldwin-Mayer

Ça vous rap­pelle un truc ? Oui, quand on regarde Le soli­taire aujourd’­hui, on voit les pré­mices de Heat. Bien sûr, la thé­ma­tique de base (com­ment prendre sa retraite vivant quand on est mal­frat ?) est la même, mais sur­tout la façon de fil­mer, la pro­gres­sion de l’in­trigue sur un tem­po ada­gio, les plans sombres où la lumière éclaire quelques élé­ments spé­ci­fiques, et l’é­qui­libre entre vie pri­vée et vie pro­fes­sion­nelle, tout cela porte éga­le­ment les gènes du bijou de 1995.

Il manque évi­dem­ment cer­taines choses de son illustre reje­ton, dont le coup de génie consis­tant à mettre en paral­lèle mafio­so usé et flic bla­sé : ici, seuls les mal­frats ont droit de cité. Mais Le soli­taire a aus­si ses propres forces, notam­ment la pré­pa­ra­tion et la réa­li­sa­tion d’un per­çage de coffre par­ti­cu­liè­re­ment gra­phique et super­be­ment fil­mé qui, à lui seul, vaut le détour.

J'fais des trous, des p'tits trous… - photo Metro-Goldwin-Mayer
J’fais des trous, des p’tits trous… — pho­to Metro-Goldwin-Mayer

Du coup, Le soli­taire est un bon thril­ler, solide, sobre, aride et posé. Et par rap­port à ceux qui l’ont vu en 1981, nous avons un avan­tage : nous pou­vons en pro­fi­ter pour nous offrir une fas­ci­nante plon­gée dans l’en­fance d’un chef-d’œuvre du genre.