Zootopie

de Byron Howard, Rich Moore et Jared Bush, 2016, ****

Dans un uni­vers mer­veilleux où tous les mam­mi­fères, anciennes proies et anciens pré­da­teurs, ont appris à coha­bi­ter paci­fi­que­ment, ce sont les gros cos­tauds qui assurent la sécu­ri­té publique. Les gros cos­tauds et une lapine, jeune, ambi­tieuse, idéa­liste, qui a déci­dé de deve­nir flic contre toute logique et qui va mettre sa naï­ve­té à l’é­preuve de la vie — en com­men­çant par se faire escro­quer par un renard.

Sur la trame géné­rale, Zootopie n’est pas révo­lu­tion­naire : c’est l’his­toire clas­sique du jeune naïf qui débarque dans l’u­ni­vers impi­toyable de la ville, est mépri­sé par ses col­lègues, mais finit à force d’a­char­ne­ment par faire ses preuves. C’est éga­le­ment l’his­toire tout aus­si habi­tuelle de l’en­quête sur une simple dis­pa­ri­tion qui met au jour un ter­rible com­plot mon­dial. C’est enfin l’his­toire fort ordi­naire du duo flic idéa­liste — lou­bard cynique. Le tout est conçu pour équi­li­brer scènes d’ac­tion et dif­fu­sion auprès de jeunes enfants, donc les pas­sages poten­tiel­le­ment angois­sants ne durent pas trop et sont rapi­de­ment allé­gés (les loups sont des gros cré­tins qui peuvent pas s’empêcher de hur­ler dès que quel­qu’un hurle, par exemple) et les res­sorts géné­raux sont suf­fi­sam­ment gros pour qu’un élève de cours élé­men­taire suive.

Les détails bien vus : les trains aux portes adaptées à la taille des bestioles. - image Disney
Les détails bien vus : les trains aux portes adap­tées à la taille des bes­tioles. — image Disney

Il y a tout de même un soin des détails appré­ciable et quelques scènes réel­le­ment bien vues, comme l’i­né­nar­rable admi­nis­tra­tion bureau­cra­tique tenue par des pares­seux que l’on voit dans toutes les bandes-annonces. Ce n’est pas la seule : la réac­tion de la fli­quette bien coin­cée quand elle arrive chez les hip­pies nudistes vaut éga­le­ment son pesant de carottes.

Et les adultes ? Et bien, on fait ce qu’il faut pour qu’ils ne s’en­nuient pas. Le deuxième réa­li­sa­teur, Rich Moore, sait par­ler aux tren­te­naires : il a pon­du Les mondes de Ralph rien que pour nous. Et ici aus­si, il glisse une foule de réfé­rences, en par­ti­cu­lier des clins d’œil aux films et séries télé des années 80–90 : vous retrou­ve­rez un bébé façon Qui veut la peau de Roget Rabbit ?, des visites de flics chez les zazous qui auraient un faux air de Starsky et Hutch, tout un excellent pas­sage copié sur Le par­rain, etc. On appré­cie­ra éga­le­ment quelques petites piques bien­ve­nues envers les pré­ju­gés et les idées reçues, trans­po­sés avec soin dans l’u­ni­vers des mam­mi­fères (les renards men­teurs et mani­pu­la­teurs, les lapins tel­le­ment mignons, les élé­phants à la mémoire infaillible, etc.).

Ooh, un lapin policier, c'est tellement mignon, enfin, c'est pas raciste de dire ça, hein ? - image Disney
Ooh, un lapin poli­cier, c’est tel­le­ment mignon, enfin, c’est pas raciste de dire ça, hein ? — image Disney

Si la trame de base est un peu conve­nue (voire tota­le­ment), on note­ra éga­le­ment avec plai­sir une thé­ma­tique qui fait du bien par les temps qui courent : dans toute la ville de Zootopie, il y a à tout cas­ser quelques dizaines de pré­da­teurs ensau­va­gis, mais toutes les proies ter­ro­ri­sées dis­cri­minent mas­si­ve­ment les mil­liers de pré­da­teurs civi­li­sés, avec les applau­dis­se­ments des auto­ri­tés qui pro­fitent de la situa­tion. Toute res­sem­blance avec des poli­ti­ciens qui ins­tru­men­ta­lisent et ampli­fient la peur de la popu­la­tion pour arri­ver à leurs fins serait sans doute for­tuite… C’est peut-être un peu tard, mais si on construit une géné­ra­tion de gamins capables de se poser des ques­tions quand ils entendent un dis­cours de Nicolas-Manuel Trump, ça peut tou­jours être utile pour les pré­si­den­tielles de 2032.

Dans l’en­semble, Zootopie est donc un hon­nête diver­tis­se­ment, qui ne bou­le­verse pas l’his­toire de la phi­lo­so­phie mais qui tourne bien, faire rire à coup sûr, entraîne sans faillir, et repose sur des mes­sages fina­le­ment assez sains. Si vous vou­lez emme­ner votre enfant au ciné­ma, il vaut mieux aller voir ça que Belle et Sébastien ou même Le gar­çon et la bête.