The lobster

de Yorgos Lanthimos, 2015, **

Quoique fort nom­breux, les céli­ba­taires subissent sou­vent une cer­taine pres­sion sociale, l’i­déal du couple sem­blant être l’u­ni­ver­selle condi­tion de l’é­pa­nouis­se­ment. Imaginons une seconde que cela aille plus loin, que le céli­bat soit inter­dit et que les céli­ba­taires soient par­qués dans un hôtel, où ils ont qua­rante-cinq jours pour trou­ver quel­qu’un… ou cap­tu­rer des « soli­taires », ceux qui ont raté le mois et demi de réin­ser­tion, qui servent de gibier et seront ensuite trans­for­més en animaux.

C’est l’i­dée de The lobs­ter, qui com­mence à l’ar­ri­vée à l’hô­tel d’un archi­tecte qua­dra­gé­naire, gras­souillet et vague­ment bla­sé, qui sait déjà que s’il ne trouve per­sonne, il choi­si­ra d’être trans­for­mé en homard (d’où le titre, pour les anglophones).

Le film a des qua­li­tés, à com­men­cer par une ambiance apo­ca­lyp­tique assez réus­sie, un humour noir assez cin­glant qui alterne avec un absurde bri­tan­nique plu­tôt réus­si. La pre­mière heure se déroule même très bien, vague­ment dépres­sive mais fran­che­ment amu­sante, bien ser­vie par des acteurs en très grande forme.

Après Hanks (Seul au monde) et Clooney (Syriana), Farrell a rejoint le clan des hommes à coussin intégré. Yes ! photo Despina Spyrou
Après Hanks (Seul au monde) et Clooney (Syriana), Farrell a rejoint le clan des hommes à cous­sin inté­gré. Yes ! pho­to Despina Spyrou

Le pro­blème, c’est qu’en­suite les scé­na­ristes se perdent en route. Le pas­sage à l’acte II, où la forêt rem­place l’hô­tel, est inté­res­sant, avec son lot de nou­velles règles aus­si absurdes que dans l’acte I ; mais trop d’i­dées mal maî­tri­sées, aban­don­nées en route (le raid minu­tieu­se­ment pré­pa­ré, pour­quoi en fin de compte ?) ou trai­tées par des­sus la jambe (si le seul point d’ac­croche est la myo­pie, ça ne devrait pas être com­pli­qué de se quit­ter…) finissent par foutre en l’air l’en­semble de l’his­toire. Le der­nier plan est le pire : le « cut » est pla­cé là, comme ça, au pifo­mètre, parce que les auteurs ne savaient plus quoi faire, sym­bole d’un film basé sur des idées ori­gi­nales et rafraî­chis­santes mais qui finit par par­tir dans tous les sens faute d’a­voir su les trier.

À l’heure de tirer le bilan, c’est donc un bâti­ment en plâtre construit sur des fon­da­tions en béton : c’est beau et solide à pre­mière vue mais fina­le­ment, ça s’é­croule au pre­mier coup de vent.