Orange is the new black
|de Jenji Kohan, depuis 2013, ****
Piper Chapman est une courge. Amoureuse d’une dealeuse, elle lui sert de mule quelque temps, avant de rentrer au pays pour s’installer dans une petite vie pépère d’Américaine sub-urbaine, de monter une boîte de savons artisanaux, de se fiancer et d’oublier sa jeunesse. Et puis, dix ans plus tard, la dealeuse est arrêtée, balance son réseau, et Piper se prend 15 mois fermes qu’elle passera dans une prison de sécurité minimale – dortoirs ouverts, cambuse et visites régulières, on est loin de Guantanamo.
Dès la première saison, on retrouve quelques tics narratifs de Jenji Kohan qui avaient plombé les dernières saisons de Weeds : reprendre la même situation en variant quelques détails, ajouter des rebondissements artificiels qui font progresser d’un niveau sans pour autant renouveler l’histoire, etc. Du coup, passé les cinq-six premiers épisodes où la découverte de la vie en prison par Chapman est tour à tour amusante, affligeante ou tragique, on commence à se demander si ça va pas rapidement se mettre à tourner en rond.
On continue tout de même, parce qu’il y a quelques points hauts assez réussis, en particulier les derniers passages avec la petite junkie Tricia Miller. La saison 2 n’est pas exempte de répétition mais creuse un peu plus ses personnages secondaires, et c’est finalement la saison 3 qui s’avère vraiment réussie : reprenant une recette un peu façon Lost, elle agrémente ses fils rouges (la grossesse de Daya Diaz, la prise de pouvoir de Joe Caputo, le commerce de Piper ou la secte de Norma Romano) de présentations bien plus fouillées d’autres personnages, racontant à chaque fois leur histoire, leur personnalité et le rapport avec leur situation actuelle. Ça fonctionne pour les prisonnières, qui peuvent être d’anciennes zonardes des quartiers pauvres aux parents camés ou des petites bourges idéalistes faisant leur crise d’adolescence, comme pour les gardiens — dont Joe Caputo, dont on apprend à la fin de la troisième saison toute l’histoire des gentillesses revenues sous la forme de boomerangs acérés.
Si certains passages restent beaucoup trop légers pour être réalistes (quelques scènes font plus colonie de vacances que prison), d’autres sont heureusement assez durs et bien fichus, le retournement de la relation entre Doggett et Coates étant exemplaire de brutalité.
Pas trop mal joué, bien écrit surtout dans les deux dernières saisons, presque équilibré entre comédie et tragédie (malgré une tendance à la parodie burlesque par moments), Orange is the new black se regarde avant tout comme une galerie de portraits avec cette immense qualité : les femmes sont variées — grosses, maigres, belles, moches, gentilles, vicieuses, logiques, psychiatriques, exubérantes, discrètes, féminines, viriles… — et évoluent progressivement d’un épisode à l’autre. Du coup, c’est assez intéressant et plutôt réussi.