Les fant4stiques
|de Josh Trank, 2015, *
Dans l’univers Marvel, il y a une grande tradition : les films inspirés des Quatre fantastiques sont nuls. Enfin, pas forcément nuls au point de d’arrêter de regarder Jessica Alba, mais suffisamment pour se dire qu’on va se refaire deux saisons de Dark angel plutôt que de revoir un seul film de Tim Story.
Voilà que Josh Trank, qui avait fourni le bizarre mais très prometteur Chronicle, est chargé de redémarrer l’histoire à zéro. On voit apparaître au casting Miles Teller (sublime dans Whiplash), Kate Mara (un peu agaçante mais inoubliable journaliste-chaton de House of cards), Reg Cathey (cuistot dans House of cards et éternel second rôle remarquable)… et on commence à se dire qu’on pourrait peut-être enfin mettre fin à cette vieille tradition.
Alors, on va voir le film.
Et au bout d’un quart d’heure, on se dit que ça va pas être super original, vu que l’histoire du gamin geek qui fait des choses que personne comprend, j’ai l’impression de l’avoir vue cent fois, pas plus tard que dans À la poursuite de demain.
Et encore vingt minutes plus tard, on se dit que ça va être difficile de défendre un scénario où les quatre héros font des équations compliquées et construisent des trucs grandioses pendant que l’héroïne est chargée de mettre au point des combinaisons. Je vous la refais en plus court : pour les gars, c’est cours de téléportation quadridimensionnelle, pour les filles, c’est atelier couture !!! D’ailleurs, pendant que les mâles vont faire de l’exploration, la fille reste à la maison : ça doit être ça, le nouveau féminisme hollywoodien — à moins que ça soit le moment où Josh Trank « n’a pas peur d’être subversif et de transgresser les règles du genre » !
En fait de transgresser les règles du genre, d’ailleurs, la principale originalité de ce reboot, c’est d’avoir écrit le titre sur l’affiche en 1337. Pour le reste, « mes pouvoirs sont une malédiction », c’était nouveau en 1962 quand le docteur Banner est devenu tout vert, mais depuis c’est quasiment le passage obligé de tout film de super-héros ; en outre, la planète où les héros sont projetés semble pompée sur les exo-planètes qu’on peut voir dans Thor ou dans Les gardiens de la galaxie ; bref, tout le script est un grand assemblage de morceaux de films de super-héros récents.
Le plus spectaculaire, finalement, c’est quand même à quel point les personnages sont superficiellement traités. Leurs dons sont finalement peu utilisés, mise à part la force brute de la Chose, mais c’est rien par rapport à leurs qualités humaines ; par exemple, dès la présentation, Sue nous dit que son truc, c’est les schémas. Quand elle doit retrouver Reed, on s’attend à ce qu’elle l’analyse pour employer ses schémas et déduire sa planque ; sauf que finalement, elle utilise juste le souvenir d’une conversation qu’elle a eue avec lui en tombant sur un nom de serveur informatique. Et quand Reed revient, vous vous attendrez peut-être à une vraie discussion avec Ben, qu’il a laissé tomber comme une merde, mais rassurez-vous : c’est réglé en vingt secondes, « — Désolé c’était ma faute. — Là-dessus je suis d’accord. — Bon, on y retourne. — Okay. » En somme, énorme plantage du scénariste, dont j’ai pourtant l’impression qu’il est convaincu d’avoir creusé ses personnages.
Enfin, un autre truc m’a agacé, sur une note un peu plus personnelle peut-être. Kate Mara a 32 ans, Miles Teller 28. Pour ceux qui ont vaguement entendu parler des Quatre fantastiques, M. Fantastique et la Femme invisible, c’est une affaire qui roule. Pour les gens qui, comme moi, trouvent ça vaguement bizarre de voir des actrices de 30 ans craquer pour Tom Cruise comme quand il avait lui-même 30 ans, ou qui sont outrés d’entendre que Maggie Gyllenhaal est désormais « trop vieille » du haut de ses 37 ans, l’idée d’avoir un premier rôle masculin plus jeune que sa leading lady était plutôt agréable. Sauf que en fait non : le scénariste a décidé que tous ses héros seraient étudiants. Le pire, c’est que du coup, Kate a en permanence le visage masqué sous trois centimètres de fond de teint pour lui donner l’air d’une adolescente. Évidemment, comme son personnage a trois lignes de dialogue (c’est vraiment la femme invisible…), ça ne pénalise pas trop son jeu d’actrice, mais il y a des scènes où elle est tellement maquillée qu’on se demande si c’est elle ou Emma Watson. Et surtout, là où la production aurait pu envoyer le très sain message : « c’est bien d’avoir 32 ans », elle envoie exactement le message contraire : « même si t’es canon à 32 ans, pour jouer une héroïne vaut mieux que t’aies l’air d’en avoir 20 ». Gerbant.
Pourquoi, dès lors, ne pas mettre une grosse bulle à ce film ? Et bien c’est simple : il tourne bien, le montage est efficace, on ne s’ennuie pas. Bref, il n’est même pas vraiment mauvais. Il est juste fantastiquement ordinaire : ordinairement niais, ordinairement superficiel, ordinairement prévisible, ordinairement sexiste. C’est peut-être un film que j’aimerais détester, mais la vérité est qu’il ne parvient même pas à m’inspirer plus qu’un mépris insignifiant.